Enfin un long métrage d’animation français capable de rivaliser avec les sournois Yankees. Réalisé par Jean-François Laguionie, qui n’avait pas donné de ses nouvelles depuis quinze ans, depuis son splendide Gwen, le livre de sable, le film est évidemment conçu comme un produit à vocation internationale. D’où un graphisme assez clean et une ribambelle de […]
Enfin un long métrage d’animation français capable de rivaliser avec les sournois Yankees. Réalisé par Jean-François Laguionie, qui n’avait pas donné de ses nouvelles depuis quinze ans, depuis son splendide Gwen, le livre de sable, le film est évidemment conçu comme un produit à vocation internationale. D’où un graphisme assez clean et une ribambelle de chansons qui viennent émailler le récit à la manière des Disney et consorts. Mais comme cela ne nuit pas à la qualité de l’ensemble, c’est de bonne guerre. Laguionie s’explique ainsi : « Je ne voulais pas faire un autre film que personne ou presque ne puisse voir. Pour la première fois j’ai travaillé en pensant aux enfants… » Mission accomplie. Et puis, les multiples facéties du héros, Kom, singe espiègle et frondeur, sont contrebalancées par des zones d’ombre qui font du film une oeuvre plus ambiguë qu’il n’y paraît.
En gros, il s’agit d’une fable, quasiment un conte philosophique, contre l’obscurantisme : une sorte de Planète des singes située dans un Moyen Age imaginaire. Kom, qui appartient à la tribu des Woonkos, une tribu de primates arboricoles, va transgresser les interdits et se hasarder dans les territoires maudits des sous-bois où chassent les Laankos, une caste de seigneurs raffinés recluse dans une forteresse… Bref, une aventure sympathiquement prométhéenne et dénuée de manichéisme les Laankos ont au moins autant de préjugés que les Woonkos et autrement plus érudite que ses équivalents hollywoodiens car, d’une part, elle se déroule dans un contexte shakespearien et, d’autre part, elle abonde en sous-textes cinéphiliques finement intégrés au récit. En effet, les intrigues qui se trament dans le château du roi des Laankos s’inspirent des complots qui menacent Ivan le Terrible dans l’oeuvre de référence d’Eisenstein d’ailleurs citée explicitement lorsqu’un personnage passe devant un tableau représentant le tsar Ivan. Cadrages, décors et costumes sont au diapason. Quant à la tragique traversée de la mer gelée par l’armée laanko, c’est également une citation eisensteinienne en diable : quand la glace se fend et se dérobe sous les sabots des chevaux, on retrouve la scène d’anthologie d’Alexandre Nevsky. Voilà donc un dessin animé qui allie culture et divertissement, ce dont on ne saurait se plaindre. Au contraire. Tremblez Disney-DreamWorks !
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