La proximité évidente de certains personnages de films avec leurs auteurs pourrait faire croire à une “école française de l’autoportrait”. En fait, entre un cinéaste et son double représenté, il y a toujours une distance, équivalente à environ cinq ans (d’analyse). Il s’agit donc d’une forme de reconstitution, libre, imaginative, mais jamais porteuse d’une fiction […]
La proximité évidente de certains personnages de films avec leurs auteurs pourrait faire croire à une « école française de l’autoportrait ». En fait, entre un cinéaste et son double représenté, il y a toujours une distance, équivalente à environ cinq ans (d’analyse). Il s’agit donc d’une forme de reconstitution, libre, imaginative, mais jamais porteuse d’une fiction conséquente. Le temps aidant, les souffrances passées paraissent dérisoires et, si elles témoignent de grands tourments, l’ironie prend généralement le pas dans ces oeuvres. La Nouvelle Eve ne déroge pas à cette règle. Camille (Karin Viard) se complaît dans des relations sans conséquences tout en aspirant à un équilibre sentimental qu’elle dénigre chez les autres. Elle tombe amoureuse d’Alexis (Pierre-Loup Rajot), un homme médiocrement marié, mais heureux. Elle a l’intuition qu’il fait la même erreur qu’elle, à l’opposé, et dans l’espoir qu’il abandonne sa femme et le parti socialiste dont il est un militant, elle accumule les entorses à son radicalisme. Il est intéressant de voir comment certains des fameux « cinéastes signataires », sommés de donner une couleur citoyenne et politique à leurs films, contournent cette contrainte pour l’incorporer à leurs intrigues amoureuses. Ici comme chez Podalydès (mais avec moins d’originalité et de finesse dans le trait), la politique sert avant tout d’arme pour séduire celui qu’on aime. Plutôt qu’un apolitisme égoïste, cette forme d’aveu témoigne d’un désarroi générationnel aussi bien amoureux que politique, et du rêve que l’un pourrait se résoudre par l’autre. Catherine Corsini se réclame de la comédie américaine, illustrant cette idée que l’amour vrai se joue de tout ce qui s’y oppose. Mais il s’agit là tout au plus d’un filtre rendant moins terne le terrain de jeux dont elle doit s’accommoder, le cinéma « intellectuel » parisien, où il ne saurait pas ne pas être question de psychanalyse. Fâcheux bâton dans les roues de la fiction, parce qu’elle fait douter Camille du caractère masochiste de son amour, la psychanalyse ne détermine pas la fin du film mais lui impose à travers les hésitations de l’héroïne son rythme spécifiquement français. A l’image de son personnage qui ne cherche rien d’autre qu’échapper à elle-même, Corsini brosse avec ce film un talentueux, quoique imparfait, art de la fugue. Dommage qu’elle n’ait pas su éviter les codes et tics de la comédie hexagonale dans l’air du temps.
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