Christine Carrière réussit avec Qui plume la lune ? un film inclassable, une comédie familiale douce-amère. Parce que jamais elle ne se moque du monde, Christine Carrière aura réussi un second film absolument personnel, différent, si loin de nous et pourtant si proche nous, ce journal, ses choix, vous, qui par supposition aimez Beck, […]
Christine Carrière réussit avec Qui plume la lune ? un film inclassable, une comédie familiale douce-amère.
Parce que jamais elle ne se moque du monde, Christine Carrière aura réussi un second film absolument personnel, différent, si loin de nous et pourtant si proche nous, ce journal, ses choix, vous, qui par supposition aimez Beck, Echenoz et les sushis. L’ovni total, comparable à rien, ni au Breillat d’Une Vraie jeune fille, ni aux ricaneurs de Canal+, ni à la bande à Desplechin (bien qu’elle soit issue de la Femis), ni au cinéma du milieu (Leconte, Tavernier…). Christine Carrière a son truc à elle, un truc qu’il faudra quand même expliquer. Difficile métier parfois que la critique ! On imagine quelqu’un qui aura trouvé avec le cinéma un moyen propre pour s’exprimer, plaçant bout à bout des scènes, mettant au point des tours de passe-passe pour arriver à restituer toutes ces petites histoires qui fourmillent dans sa tête, toutes ces mélodies. Car voilà, le système formel de Carrière est proche, immensément proche de la chanson française, sinistre comme une chanson de Christophe (plus d’arbre, plus de clocher, tout ça…), concon comme la lune ou comme un air de Marie Laforêt (heu… il a neigé sur Yesterday ?), mais finalement enviable puisque charriant en lui une foule d’émotions de midinette, bien plus violentes et souterraines que son statut d’inclassable Madame Foldingue ne le laisse croire, nourrissant un talent pour l’immédiateté auquel il serait vain de résister.
Vous pouvez aussi trouver ce film forcé, appuyé : il l’est. Mais comme on connaît la chanson, on pourrait stopper un peu là les jérémiades et se détendre un peu, se laisser prendre, ou se laisser plumer… Je ne connais pas Christine Carrière, mais je suppose qu’elle doit être bonne au karaoké, fortiche en histoires, fabulatrice en plein. Son cinéma a très bien choisi son titre : un conte d’enfants et rien que ça. C’est dur de croire aux contes d’enfants, d’y attacher tellement d’importance que la vie après n’est que déception et marginalité, catastrophe et cruauté, et parfois rayon de soleil. C’est dur de tomber les habits d’enfance et d’innocence, c’est difficile à 14 ans parce qu’il y a l’interdit qui guette mais encore plus invivable à la quarantaine passée, trépassée. Christine Carrière filme tout ça à la fois, l’instant où le regard du père change sur sa fille qui en l’espace d’une nuit ne lui appartient plus, les conneries de mômes qui restent et qui gâchent le cours de l’existence (comment vouloir vivre en papillon charismatique lorsqu’on est affublé depuis toujours d’un surnom aussi con que La Crado ?) et encore des vieux qui s’en foutent en baisant peinards, eux !
Impeccablement servi par des acteurs déprimés-cocasses, en particulier Garance Clavel, sous-employée dans le cinéma français, voilà donc pour une fois un film en état d’âme doux-amer, recommandé pour les transistors familiaux, les tournées de plages Ricard, les stations-service, les fins de siècle distraites, etc.
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