Devant 20.000 personnes rassemblées au Bourget, le candidat socialiste a pour la première fois inscrit son parcours personnel dans la bataille présidentielle et déroulé les grands axes de son programme.
Décorum classique mais réussi. Une scène de 220 m2. Un fond bleu très présidentiel, le slogan en lettres rouges sur fond blanc « le changement, c’est maintenant » et le nom du candidat en majuscules écarlates, avec le lieu et la date en lettres bleues : « Le Bourget, dimanche 22 janvier 2012 ». Petits clips sur la vie et l’œuvre du candidat et mini-concert de Yannick Noah pour chauffer la salle. Tout y était…
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« Fendre l’armure »
Le grand meeting national de lancement de la campagne de François Hollande était très attendu. On reprochait au candidat de ne pas se livrer suffisamment depuis son investiture fin octobre et de rester trop dans le flou sur ses propositions. Pendant une heure trente de discours, François Hollande s’est attaché à rassurer sur ces deux points.
Et d’abord sur sa capacité à « fendre l’armure », selon l’expression prêtée à Lionel Jospin en 1995. A la tribune, François Hollande se confie, brièvement, mais se confie :
« Tout dans ma vie m’a préparé à cette échéance, (…) je suis socialiste, la gauche je ne l’ai pas reçue en héritage. J’ai grandi en Normandie dans une famille plutôt conservatrice mais qui m’a donné la liberté de choisir par son éducation. Je remercie mes parents, mon père, parce qu’il avait des idées contraires aux miennes et qu’il m’a aidé à affirmer mes convictions, ma mère, parce qu’elle avait l’âme généreuse et qu’elle m’a transmis ce qu’il y a de plus beau, l’ambition d’être utile. »
« La gauche, je l’ai choisie, rêvée et aimée avec François Mitterrand dans la conquête », ajoute celui qui se verrait bien succéder en mai au premier, et pour l’instant unique, président socialiste de la Vème République. Evoquant ensuite son attachement à sa terre électorale de Corrèze, François Hollande rappelle le martyre des 99 habitants de Tulle, pendus aux balcons de la ville le 9 juin 1944 par la division Das Reich, à la veille du massacre d’Oradour-sur-Glane. « J’ai leur nom dans ma tête, ce sont mes héros », dit le candidat socialiste. « Ceux-là ont sauvé notre honneur, c’est leur lutte qui m’éclaire aujourd’hui. »
Dans cet autoportrait, François Hollande n’a pas oublié de répondre à ceux qui, à droite comme à gauche, lui reprochent son inexpérience et sa tentation du compromis : « Ma candidature est le fruit de l’obstination, le hasard n’y est pour rien, c’est un accomplissement. Je reste moi-même, c’est ma force. J’ai fait de l’engagement ma vie entière, j’ai sacrifié beaucoup… mais je n’aime pas les honneurs, les protocoles et les palais, je revendique une simplicité qui n’est pas une retenue mais la marque de l’authentique autorité. Je vais vous dire un secret, j’aime les gens quand d’autres sont fascinés par l’argent. »
Droit de vote des étrangers, parité salariale, non cumul des mandats
Deuxième axe du discours : dresser un réquisitoire implacable du quinquennat de Nicolas Sarkozy, qu’il ne citera pas une fois à la tribune, et dévoiler au maximum les propositions que François Hollande précisera jeudi lors d’une conférence de presse à Paris. Comme pour désamorcer par avance les critiques attendues de la droite après cette démonstration de force du Bourget. « Nous sommes là pour changer le destin de notre pays », a-t-il prévenu avant d’annoncer sous les vivats l’inscription de la loi de 1905 sur la laïcité dans la Constitution, puis le droit de vote des étrangers aux élections locales, la parité salariale hommes-femmes, le non-cumul des mandats parlementaires et l’abandon du pouvoir présidentiel de nomination des patrons de l’audiovisuel. Il a aussi promis, dans une référence à l’accueil réservé en 2007 par Nicolas Sarkozy à Kadhafi, de « ne pas inviter les dictateurs en grand appareil à Paris ».
Même contraint par la crise économique, François Hollande a voulu « redonner confiance » à la France. Il a maintenu le cap en insistant sur sa promesse de création de 60.000 postes dans l’Education. « On me dit que c’est trop, je dis que ce n’est peut-être pas assez. » Il a promis un effort conséquent sur l’emploi, le logement social, la santé. Et sur la sécurité on a remarqué sa volonté d’assumer une posture ferme. S’en prenant dans le même mouvement aux « délinquants financiers » et aux « petits caïds des quartiers », il a lancé : « La République vous rattrapera ! »
« Mon véritable adversaire, c’est le monde de la finance »
Très mitterrandien dans le ton, François Hollande a pris pour cible « la finance ».
« Mon véritable adversaire n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti. Il ne présentera jamais sa candidature et pourtant il gouverne… C’est le monde de la finance. »
Pour y répondre, le candidat PS prévoit notamment la suppression des stock options et une taxe sur les transactions financières et un changement de la politique européenne, dont il veut discuter avec la chancelière allemande Angela Merkel s’il est élu le 6 mai. Il annonce aussi, dans le cadre de sa réforme fiscale, un relèvement de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu à 45% « pour tous ceux qui touchent plus de 150.000 euros ».
Celui qui s’était présenté au Grand Journal de Canal Plus comme « François le juste » a conclu son propos en appelant la gauche à reprendre la « marche du progrès et de l’égalité ».
« Je ne me poserai qu’une seule question avant tout effort supplémentaire, avant toute réforme, avant tout décret, avant toute loi : est-ce que ce qu’on propose est juste ? » a-t-il souligné, sous les applaudissements.
Puis François Hollande a fustigé le mandat de Nicolas Sarkozy, ce quinquennat, « commencé dans la virevolte », qui « finit dans la tourmente ». « L’épopée de la gauche, a conclu le candidat, voix presque cassée, ne peut pas se réduire à des moments exceptionnels, 1936, 1981… Je veux l’inscrire dans la durée, renouer le fil, poursuivre la marche… Je veux voir votre bonheur le 6 mai, (…) je veux gagner avec vous le droit de présider la France ».
Pour entonner la Marseillaise de fin de meeting, François Hollande a fait monter des jeunes sur scène, avant d’aller saluer ses soutiens au premier rang, les anciens Premiers ministres Lionel Jospin, Laurent Fabius, Edith Cresson, la première secrétaire du PS, Martine Aubry, et Ségolène Royal, la candidate de 2007. Qui lui ont en quelque sorte transmis un témoin.
Hélène Fontanaud et Marion Mourgue
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