Aussi intelligent que populaire, le festival Fantasia présentait en avant-première les plus belles perles de saison du cinéma asiatique. Indispensable. C’est le festival qu’il fallait inventer : consacré au cinéma asiatique de genre, également ouvert aux productions occidentales, Fantasia, événement extrêmement suivi à Montréal, est une manifestation copieuse (près de 90 films), ludique (les vêtements […]
Aussi intelligent que populaire, le festival Fantasia présentait en avant-première les plus belles perles de saison du cinéma asiatique. Indispensable.
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C’est le festival qu’il fallait inventer : consacré au cinéma asiatique de genre, également ouvert aux productions occidentales, Fantasia, événement extrêmement suivi à Montréal, est une manifestation copieuse (près de 90 films), ludique (les vêtements brûlent la peau des invitées dans les after torrides rue Sainte-Catherine) et surtout riche en surprises et en découvertes. Grâce à une programmation audacieuse et une équipe de têtes chercheuses érudites, Fantasia se maintient à la pointe de la création cinématographique d’Asie, en proposant les avant-premières occidentales des meilleurs films de la saison.
Cette année, un hommage permettait de voir les films de Johnnie To, réalisateur ou producteur de quelques-uns des plus importants polars de Hong-Kong depuis le départ de John Woo à Hollywood : Expect the unexpected, A Hero never dies, Lifeline, Where a good man dies. Interprétés par l’excellent Lau Chon-wan, acteur fétiche de To, ces films affichent un souci de réalisme et de concrétion psychologique qui les distingue des chorégraphies abstraites de Woo.
Expect the unexpected, réalisé par Patrick Yau mais produit par To, associe à une violence sèche (l’esthétisme de l’action est dépassé) un désenchantement qui transforme cette romance policière aux intrigues multiples en chef-d’oeuvre du genre. Le dénouement, inattendu et absurde, qui laisse surgir l’aléatoire dans un récit trop calibré, n’est pas sans rappeler le cinéma d’Aldrich.
Hormis les films de To et quelques bons divertissements cantonnais, les plus fortes émotions provinrent du Japon, avec une rétrospective magnifique consacrée au cinéma d’exploitation érotique, soit l’enfer du cinéma japonais, riche en titres tels que Femmes criminelles de Teruo Ishii (1968) ou Le Couvent de la bête sacrée de Norifumi Suzuki (1974) et de belles révélations : le sublime Midori (The Girl in the freak show) de Hiroshi Harada les infortunes d’une jeune fille soumise aux fantasmes de monstres de foire qui rencontre l’amour en la personne d’un cruel magicien nain est un moyen métrage d’animation inspiré d’un manga érotique mais qu’on croirait sorti de l’imaginaire de Georges Bataille.
Hypnosis de Masayuki Ochiai, Ring et Ring 2 de Hideo Nakata, trois films d’épouvante commerciaux, confirmèrent l’offensive de la production nippone. Dans la lignée de Cure de Kyochi Kurosawa, Hypnosis est une histoire à dormir debout, mais très efficace, de suicides sous hypnose.
Dans Ring et sa suite, une femme maléfique enterrée vivante dans un puits se venge par l’intermédiaire d’une cassette vidéo qui fait mourir d’effroi ou rend fou quiconque la visionne. On reconnaît dans Ring les motifs des contes de fantômes classiques souvent adaptés par le cinéma japonais (Kwaidan de Kobayashi, les films de Kenji Misumi et Nobuo Nakagawa dans les années 60) et transposés dans un univers technologique présent. Le talent du cinéaste est de faire tenir debout cette mixture improbable entre Vidéodrome et La Maison du diable, sans jamais se perdre dans la surenchère ou la dérision.
Avec un minimum d’effets visuels (compensés par une bande son incroyable), Nakata a réussi un terrifiant diptyque, capable d’arracher des cris aux plus endurcis des spectateurs, en partant de notations anodines pour culminer avec un final proprement insoutenable. Dans une scène mémorable de Ring 2, un protagoniste procède à une lecture image par image de la fameuse cassette, permettant à la femme présente sur la bande de se métamorphoser devant nos yeux, grâce à un trucage invisible (ou absent ?). Ce plan clinique est non seulement glaçant, mais il révèle aussi la richesse d’un film grand public (Ring 2 a battu au Japon les records du box-office) qui propose une réflexion assez fine sur la nature des images enregistrées. On pourrait appliquer cette remarque à Fantasia, festival populaire et intelligent qui éclipse les autres manifestations dédiées au cinéma fantastique ou asiatique et s’impose, unique en son genre, comme un rendez-vous indispensable pour les explorateurs de la planète cinéma.
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