Début mars, l’hebdomadaire allemand Die Zeit a publié une lettre vibrante (traduite en anglais) d’un réfugié syrien à Angela Merkel. Arrivé en Allemagne en novembre 2015, l’ingénieur électricien Arif Abbas (le nom a été changé) a décidé de revenir à Alep près des siens. Il explique pourquoi. “La seule chose que je rapporterai en Syrie, ce seront les […]
Début mars, l’hebdomadaire allemand Die Zeit a publié une lettre vibrante (traduite en anglais) d’un réfugié syrien à Angela Merkel. Arrivé en Allemagne en novembre 2015, l’ingénieur électricien Arif Abbas (le nom a été changé) a décidé de revenir à Alep près des siens. Il explique pourquoi.
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« La seule chose que je rapporterai en Syrie, ce seront les humiliations »
Père de quatre enfants âgés de 3 à 11 ans et restés en Syrie avec leur mère, Arif Abbas était venu en Allemagne « pour offrir un avenir meilleur à [ses] enfants. Mais désormais, [il] revien[t] en Syrie à cause d’eux ». Alors que sa demande d’asile n’a toujours pas été traitée, il assure qu’il devra sûrement attendre un an et demi pour que sa famille puisse le rejoindre. Et encore plus s’il subit la limitation du regroupement familial, décidée fin février.
« Je ne peux plus expliquer à mes fils pourquoi je ne suis pas avec eux. Il me demandent de revenir, et je me demande moi-même ce que j’ai fait ici. »
A côté de ses journées rythmées par l’attente d’une audience d’une première audience pour sa demande d’asile (prévue, au mieux, en juin), il parle à sa femme, cinq ou six heures par jour. Et se mure dans le désarroi, écoutant impuissant les risques quotidiens qu’encourt sa famille.
« Nos enfants continuent à aller en cours mais mon épouse doit souvent aller les chercher plus tôt car des coups de feu sont entendus près de leur école. Mon épouse me dit où les bombes sont tombés dans le quartier, qui a été blessé, qui a été tué. Les histoires s’empirent chaque jour. «
« Dans le camp, nous sommes traités comme des enfants »
Les conditions de vie dans le camp où il vit ne l’aident pas à garder le moral. Hébergé avec quinze autre personnes dans un entrepôt de Hamburg de 40 mètres carré, il assure être traité comme un enfant.
« Nous ne sommes même pas autorisés à accrocher les draps comme on le souhaite pour avoir notre petit espace privé. Nous ne sommes pas autorisés à avoir des visiteurs, nous ne sommes pas autorisés à cuisiner nous-mêmes. Beaucoup de femmes ne peuvent jamais enlever leur voile car elle n’ont pas de vie privée. »
Alors qu’il perd patience face à la bureaucratie allemande, il se lasse de la vie monotone du réfugié dans l’attente de l’obtention de l’asile.
« Les jours sont toujours les mêmes : se lever, petit-déjeuner, charger les portables pendant trois heures, déjeuner, dormir, charger les portables pendant trois heures, dormir. Nous perdons notre temps pendant que nos familles sont en danger de mort à la maison. »
« Madame Merkel, soyez honnête avec les Syriens ! »
Avant de partir en Syrie, Arif Abbas tient à adresser une dernière demande à Madame Merkel. Face au chaos qui règnes dans les bureaux d’immigration allemands, il implore la chancelière de dire aux Syriens que l’Allemagne ne peut pas les accueillir.
« Madame Merkel, soyez honnête avec les Syriens ! Ils sont des milliers à encore vouloir aller en Allemagne. J’ai dit à mes proches de ne pas venir, mais personne ne m’écoute. Mais dites leur, Madame Merkel, pour que moins de personnes mettent leur vies en danger. »
Même pour revenir chez lui, en Syrie, la route s’annonce difficile et semée d’embûches pour l’ingénieur électricien.
« Nous avant demandé à la direction du camp comment nous pourrions rentrer en Syrie, ou au moins en Turquie. Il nous ont envoyé vers un travailleur social, mais il ne pouvait pas nous aider. Il n’y a pas d’aide pour des personnes comme nous. On donne de l’argent aux Albanais, aux Kosovars et même aux Irakiens pour qu’ils retournent chez eux. Mais pas aux Syriens. Ils disent que c’est trop dangereux. Si tu dois revenir, tu dois le faire par tes propres moyens. […]
Je vais devoir la même route que j’ai pris pour venir en Allemagne, mais cette fois dans le sens inverse – à travers l’Autriche, la Slovénie, la Croatie, la Macédoine et la Grèce jusqu’en Turquie. Je suis terrorisé. Mais je n’ai pas d’autre choix. »
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