Concis et érudit, un panorama du cinéma allemand, ses stratégies et ses hontes, comme un miroir du siècle. Il ne faut pas craindre de souligner au stylo à encre les pages du Cinéma allemand, un livre de Bernard Eisenschitz ; pas un beau livre mais un bon livre, pas un livre rare mais d’une concision […]
Concis et érudit, un panorama du cinéma allemand, ses stratégies et ses hontes, comme un miroir du siècle.
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Il ne faut pas craindre de souligner au stylo à encre les pages du Cinéma allemand, un livre de Bernard Eisenschitz ; pas un beau livre mais un bon livre, pas un livre rare mais d’une concision précieuse. Une commande de vulgarisation qu’Eisenschitz a compris comme un pari taré, détourné en un texte impossible : raconter tout le cinéma allemand, ses stratégies et ses hontes, en quelques cahiers d’édition, mais travailler au cristal ce texte pourtant prisonnier de son format d’édition.
D’où la nécessité de souligner, de s’amuser à dégager la phrase du corps du texte. Le réflexe devient vite un jeu, tant c’est tout un système de plaisir qui alors se découvre au lecteur : traquer dans le cahier des charges des informations historiques assemblées maniaquement par Eisenschitz la ligne où il aura ramassé sa réflexion et son engagement théorique en une perle. Le livre terminé, ça donne un drôle de palimpseste presque chinois où chaque chapitre connaît son dessin, son dessein. Son idéogramme et son idée. Ce livre aura ainsi tracé un parcours très lisible du cinéma allemand comme emplacement stratégique d’une nation (c’est un pays pour lequel la notion de cinéma national est pertinente, pour le meilleur la psyché expressionniste et le pire le nazisme). Car très tôt en Allemagne, dès la République de Weimar, avant le nazisme, le politique aura développé le cinéma comme une industrie, et toute la position du cinéaste et de l’acteur allemand est à comprendre à partir de ce centre. A partir de là, le cinéma allemand Eisenschitz a raison d’écrire les cinémas allemands est autant un miroir du siècle. On est saisi en rencontrant ce discours programmatique très précoce du général Ludendorff en 1917 : « La guerre a montré le pouvoir décisif de l’image et du film comme moyen d’information et d’influence (…). Plus la guerre durera, plus il sera nécessaire d’exercer une influence planifiée sur les masses à l’intérieur des frontières. » Mais on l’est plus encore dans ces accélérations : « L’écran démoniaque n’est plus à l’ordre du jour. En 1929-1930, Arnold Schönberg compose une musique d’accompagnement pour une scène de film, dont les trois parties portent les sous-titres « danger menaçant, menace, catastrophe ». » Voilà, il faut avoir une grande connaissance de son sujet et des autres arts pour se permettre, avec cette vitesse qui balaie tout, une phrase exemplairement signifiante, alors que le nombre riquiqui des lignes qui vous est accordé vous oblige à en sacrifier tant d’autres. Pour cela, comme pour la rigueur et la passion de son auteur-critique, traducteur, auteur il y a dix ans d’une biographie gigantesque de Nicholas Ray, compagnon de route du jeune cinéma allemand, responsable de l’édition du Fritz Lang de Lotte Eisner, etc., etc., ce livre est une réussite méthodique. Elle vient d’être saluée par l’obtention du prix Philippe Arnaud au récent salon du livre de cinéma.
128 pages, 49 f.
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