Contestable quand il joue les valeurs rurales contre l’aliénation moderne, Mifune est néanmoins une comédie bien menée. Plus le temps et les films défilent, plus le Dogme apparaît pour ce qu’il est vraiment : une charte pipeau, un bon coup de marketing, une façon habile de vendre des films sans vedettes internationales dans un emballage […]
Contestable quand il joue les valeurs rurales contre l’aliénation moderne, Mifune est néanmoins une comédie bien menée.
Plus le temps et les films défilent, plus le Dogme apparaît pour ce qu’il est vraiment : une charte pipeau, un bon coup de marketing, une façon habile de vendre des films sans vedettes internationales dans un emballage facilement identifiable par le public. Pourquoi pas, mais il vaut mieux oublier Dogme et voir ces films en tant que tels, comme tous les autres films. Après l’expérimental et troublant Les Idiots, après le plus habile et plus efficace Festen, voici donc Mifune, comédie plutôt tendre dans le propos et nerveuse dans le récit.
Le soir de son mariage avec la fille de son patron, un jeune cadre aux dents longues, Kresten, apprend le décès de son père. Honteux de ses origines paysannes et d’un frère légèrement retardé, Kresten préfère tenir sa nouvelle épouse à distance et retourne seul dans son village pour règler ses affaires familiales. Là, il devra jongler entre son frère débile léger, coincé en enfance dans un univers de BD, un autre frère qui le méprise, une employée de maison accorte dont il tombe progressivement amoureux et l’épouse qui déboule pour vérifier de quoi il retourne. Mifune (du nom du défunt acteur de Kurosawa, qui est aussi l’idole maléfique du demeuré) est agencé comme une bonne vieille comédie américaine où le puzzle des situations s’emboîte mal, où quiproquos et malentendus s’empilent, comédie parfois teintée d’inquiétante étrangeté et sous-tendue par un mouvement général vers l’acceptation de l’autre et de soi-même. Figure principale de ce mouvement, le personnage du débile léger : au début il génère un malaise, puis devient la principale source comique du film, pour enfin devenir le véritable personnage fort de cette affaire, celui qui entraîne progressivement les autres dans son univers. Grâce à lui, Kresten finit par s’accepter et par renoncer à sa carrière de yuppie. Bien mené, assez drôle et porté par un ensemble de comédiens remarquables, il manque juste à Mifune un peu de cinéma, la mise en scène se contentant d’illustrer efficacement le récit, de façon roublardement publicitaire (le faux amateurisme de Dogme, le côté Ikéa crade). On peut aussi reprocher au film de jouer de façon un peu démago la campagne contre la ville, l’innocence des simples d’esprit contre la névrose urbaine, les vraies valeurs rurales contre l’aliénation moderne. De là à taxer le film de fascisme larvé à cause de ce retour à la campagne et de la blondeur des comédiens comme l’ont fait certains confrères énervés à la sortie de la projection (à ce compte-là, les conducteurs de Volkswagen sont tous des crypto-nazis), c’est pousser un peu loin le bouchon et réclamer à un film ce qu’il n’a pas. L’ambition essentielle de Kragh-Jacobsen était de raconter une histoire épicée de bons ressorts de comédie. De ce point de vue, c’est plutôt réussi.
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