Le plus précieux, dans Husbands, c’est que Cassavetes donne l’impression de ne jamais tomber dans le politiquement correct, l’ironie ou le commentaire, et se maintient toujours dans l’ontologie. Les trois maris de Husbands dépassent les limites de ce qu’est un personnage : la frontière entre les acteurs et les personnages est d’emblée estompée par la […]
Le plus précieux, dans Husbands, c’est que Cassavetes donne l’impression de ne jamais tomber dans le politiquement correct, l’ironie ou le commentaire, et se maintient toujours dans l’ontologie. Les trois maris de Husbands dépassent les limites de ce qu’est un personnage : la frontière entre les acteurs et les personnages est d’emblée estompée par la mise en scène, même si l’on devine que l’identité entre les deux est illusoire. Sans rien pour plaire ni pour déplaire, ils sont injugeables. Ils sont tout simplement trois voyous quadragénaires parvenus qui viennent d’enterrer le quatrième de la bande. Ils se forcent sans grand effort à jouer aux gamins, se bourrent la gueule avec ostentation. Ce ne sont pas des anges, leur quête n’a pas de sens, c’est bien pour oublier qu’ils s’imbibent. Ils crèvent de peur. Car les films de Cassavetes, comme ceux de Rossellini, d’Hitchcock, de Buñuel ou de Lynch, par exemple, mais aussi tous les films d’action, de guerre et tous les westerns peut-être est-ce un signe de la modernité se coltinent à la peur.
Le voyage à Londres, vécu au départ comme une fugue entre vieux copains désespérés, tourne très rapidement à la panique. Parce que lorsqu’on va voir ailleurs si l’on y est, on doit se rendre à l’évidence que le problème est justement que l’on y est. Rien, donc, de moins romantique que Cassavetes et ses films où surgit soudain de la peur, comme par miracle, une tendresse qu’on n’attendait pas. Transplantés dans un monde qui n’est pas le leur, mais où ils sont toujours eux-mêmes, les trois copains, dont l’amitié reste toujours critique et prisonnière de sa pudeur, commencent par se réfugier sur le sol froid de la salle de bains de leur chambre d’hôtel, au plus bas, comme on se réfugie dans une casemate pour mettre au point un plan d’attaque avant la bataille. Ils ont peur qu’on leur pique leur fric, ils en rajoutent dans le côté « Américains mal élevés », et c’est ainsi qu’ils parviennent à retrouver leurs repères, à recréer autour d’eux leur petit monde, pas forcément très beau à voir. Falk et Cassavetes, après des ébats marqués par la gêne, rejoindront bien sagement le foyer familial, finalement aimé. Seul Gazzara, somptueux dans sa chemise à jabot, celui qui ne voulait pas retomber en enfance, continuera au moins quelque temps son délire de Don Juan de pacotille.
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