En 1990, la créativité artistique du cinéma hong-kongais est asphyxiée par le diktat du néopolar : ce genre domine depuis l’avènement du Syndicat du crime et de The Killer de John Woo qui engendrèrent d’innombrables ersatzs. La Nouvelle Vague locale a dû se plier à ses codes et ses lois, impératifs commerciaux obligent. Paradoxalement, c’est […]
En 1990, la créativité artistique du cinéma hong-kongais est asphyxiée par le diktat du néopolar : ce genre domine depuis l’avènement du Syndicat du crime et de The Killer de John Woo qui engendrèrent d’innombrables ersatzs. La Nouvelle Vague locale a dû se plier à ses codes et ses lois, impératifs commerciaux obligent. Paradoxalement, c’est Tsui Hark, l’instigateur de cette hégémonie, qui va la briser, en réactivant la carrière filmique de Wong Fei-hung, un des personnages les plus populaires de la culture chinoise. Avant que Hark ne s’y intéresse, on dénombre une centaine de films et de feuilletons lui étant consacrés, qui exaltaient une morale irréprochable passant par une nouvelle vision des arts martiaux. Le kung-fu au cinéma ne sera donc plus uniquement physique, mais également une philosophie permettant l’accomplissement spirituel.
En ressuscitant ce médecin lettré du début du siècle, Hark lui insuffle un supplément d’âme en prenant le parti pris de démystifier son statut de héros. Wong Fei-hung, véritable Robin des Bois, prend encore plus de substance à l’écran lorsque le réalisateur met en oeuvre toutes les facettes d’un personnage à la fois réel (1847-1924) et fantasmé, notamment en déclinant le motif très chinois de la dualité. Ici, Fei-hung est à la fois pacifiste et guerrier, utopiste et réactionnaire, cultivé mais naïf, respectueux des traditions ancestrales mais attiré par la culture occidentale, dispenseur de préceptes sans cesse tournés en dérision en somme un héros humain.
Un ton qui enrichit le simple domaine du film d’action d’où est issue cette saga (1), capable d’insérer en filigrane un contenu politico-social qui la rapprochera d’un Tintin, y compris dans certaines dérives (les « méchants » sont souvent des « Long-Nez » comprendre des Occidentaux ou des Orientaux pervertis). Les combats sont ici aussi spectaculaires que démesurés, tenant plutôt de la chorégraphie féerique que du simple affrontement. On retrouve chez Tsui Hark la même jubilation pour le cinéma de son enfance que chez Spielberg lorsqu’il rend hommage au serial avec Les Aventuriers de l’arche perdue.