La princesse et le danseur. Minnelli organise une magnifique féerie qui mêle savoir-faire hollywoodien et onirisme échevelé. Yolanda et le voleur est l’un de ces films improbables dont l’unité de production d’Arthur Freed à la MGM avait le secret. Au sein du studio rugissant, Freed avait réuni la plus fine équipe de scénaristes, décorateurs et […]
La princesse et le danseur. Minnelli organise une magnifique féerie qui mêle savoir-faire hollywoodien et onirisme échevelé.
Yolanda et le voleur est l’un de ces films improbables dont l’unité de production d’Arthur Freed à la MGM avait le secret. Au sein du studio rugissant, Freed avait réuni la plus fine équipe de scénaristes, décorateurs et musiciens de l’époque. L’arrivée de Minnelli, débauché à Broadway, fut pour lui une aubaine. En injectant dans la comédie musicale son raffinement suprême de décorateur, ses partis pris d’irréalisme et son goût pour les structures filmiques en arabesque, Minnelli fit passer la comédie musicale à l’âge adulte. Tourné en 1945, Yolanda est l’un des plus beaux films de sa première période. L’un des plus incompris aussi. Echec commercial, le film dérouta par son scénario tordu mais propice à tous les élans musicaux, son perpétuel balancement entre rêve et réalité.
Sur la lande verdoyante d’une principauté d’opérette d’Amérique du Sud, un vieux prof accompagné de son fidèle lama (animal omniprésent mais jamais fâché) fait chanter à des enfants l’hymne de leur pays, Patria. Voilà pour l’ouverture, cocasse. Et, aussi sec, c’est parti pour le I er acte, une pension de jeunes filles en fleurs, allègres et vêtues d’un rouge flamboyant, que Minnelli embrasse, dans son style inimitable, d’un ample mouvement panoramique avant de recadrer l’héroïne, Yolanda Aquaviva, héritière de la plus grosse fortune du pays. Le reste est à l’avenant, aberrant et magnifique. Fred Astaire, escroc américain, se fait passer pour l’ange gardien de la donzelle, pour mieux la séduire et lui piquer son magot, avant d’en tomber amoureux.
Minnelli tire parti de tous les éléments de l’intrigue pour construire un dispositif complexe lui permettant d’exprimer son goût pour l’onirisme, l’intensité des couleurs et la flamboyance des décors. On lui a souvent reproché de sacrifier les acteurs au décor, de se contenter de construire de gigantesques et magnifiques toiles de fond. C’est oublier que la comédie musicale est par essence le royaume de l’artifice et du décor. Et que les danses ne prennent leur sens que dans le rapport étroit qui unit les danseurs et le décor dans lequel ils évoluent. C’est la nouveauté de Minnelli par rapport aux géniales chorégraphies de Busby Berkeley qui restaient plus abstraites et plus géométriques. Le premier ballet de Yolanda réinterprète sous forme onirique et décalée tous les thèmes présents dans le film et tisse un lien solide entre Astaire et ce qui l’entoure. Rien n’apparaît gratuit ou vain. Astaire y reparcourt les lieux visités pendant la journée et s’enfonce progressivement dans une rêverie surréaliste de plus en plus abstraite, peuplée d’accortes lavandières puis de personnages farfelus, jusqu’au mariage fantasmé avec Yolanda. Inspiré par Dali, peuplé de structures rocailleuses roulantes et d’arbres secs, le ballet joue sur les effets de transparence des voiles qui en constituent la trame, sur les agencements de couleurs vives, jusqu’au sublime dévoilement de l’héroïne. Tout cela est d’une fluidité magnifique, la caméra suivant à la grue, en plans très longs, le personnage dans ses évolutions. Un an plus tard, Minnelli tournera Le Pirate, un autre émerveillement.