A Marseille, un groupe d’étudiant·e·s et d’artistes occupe les espaces extérieurs et intérieurs du Fonds régional d’art contemporain (Frac) pour rendre visible la précarisation d’un secteur invisibilisé.
C’est une première. A Marseille, un groupe d’étudiant·e·s en art et d’artistes occupent le Fonds régional d’art contemporain Provence-Alpes-Côte d’Azur (Frac Paca). Il y eut d’abord un appel, lancé le jeudi 25 mars, aux “travailleur·euses de l’art et allié·e·s”, puis deux jours de négociation, sur le parvis extérieur du bâtiment. A partir du 30 mars à 14h, les occupant·e·s investissaient également les espaces intérieurs.
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En cause : l’invisibilisation des artistes, leur statut et leurs conditions de formation et de travail, au sein d’“un système prônant l’individualisme et la compétition”. Le 26 mars, le Frac se fendait à son tour d’un communiqué, déclarant, par l’entremise de son conseil d’administration, accepter de les accueillir dans les espaces – “en accord avec ses missions” et pour leur offrir “une plateforme de création, d’échange et de débat”.
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Comment faire apparaître un champ oublié ?
Pour les arts plastiques, l’action collective reste rare. Si l’occupation des théâtres débutait le 4 mars au Théâtre de l’Odéon pour essaimer à travers la France, le geste des occupant·e·s du Frac qui en amplifie le mouvement pour l’étendre au champ des artistes visuels et plasticiens, procède de la réflexion suivante : comment faire apparaître les arts visuels dans ces luttes, et fédérer un champ oublié par manque de représentativité, et précarisé faute de systèmes de mutualisation ?
Contactés par téléphone, sept occupant·e·s, Elodie Rouge, Rémi Lécussan, Emmanuel Simon, Gaultier Salcedo, Jean-Baptiste Ganne, Catherine Melin et Max Sister, reviennent sur les prémisses de la mobilisation : “A Marseille, nous avons rencontré les acteurs des théâtres occupés, Le Merlan ou La Criée, et par la suite, depuis l’occupation du Frac a commencé, nos assemblées générales sont communes”.
Il s’agit avant tout, pour les acteur·ice·s de l’art, de se rendre visible pour peser dans le débat d’une part, et se fédérer pour réfléchir à d’autres structures d’autre part. Le choix du Frac en procède : “Nous avons voulu utiliser nos lieux de représentation comme un espace de production et de création. De même, nous y utiliseront nos outils de travail : nous sommes des artistes, nous créons des formes plastiques poétiques et politiques”, expliquent-ils.
“Nous venons de commencer de mettre en place des banderoles et des affiches, il y aura également des projections, et nous allons sortir dans l’espace public pour réaliser des actions, dont un ‘musée mobile’ auquel nous réfléchissons actuellement”. Des premiers jours d’occupation, ils tirent un bilan positif : beaucoup de retours locaux et, déjà, des échos au niveau national.
Reconsidérer l’artiste comme un travailleur
“Nous aimerions que le geste éclabousse l’ensemble de la région marseillaise, et qu’il se répande à l’échelle nationale aux autres Frac. Nous sommes déjà en contact avec d’autres écoles d’art, notamment celles de Saint-Etienne, Toulouse ou Toulon”. Or, si l’occupation d’un Frac est inédite, le geste n’est en rien uniquement contextuel
La question de la réouverture n’est pas prioritaire. Au-delà de l’évidence de revendiquer la nécessité de la culture comme un bien essentiel, il en va de “comment rouvrir”. Il en va, plus fondamentalement, de “reconsidérer l’artiste comme un travailleur” et d’asseoir “son statut en tant que tel, de réévaluer celui de l’artiste-auteur”.
La question est celle, structurelle, d’une adaptation du statut d’intermittent, de syndiquer la création contemporaine, de faire émerger la question du chômage et d’un salaire à vie, au-delà du système par projets, résidences et prix ponctuels qui prévaut actuellement.
Soulignant leur solidarité avec les luttes sociales transversales, les occupant·e·s, rejoints par l’association la Buse, font valoir qu’ils ne sont pas “coupés du monde mais dedans”, rejoignant par leur lutte “la précarité d’une grande partie de la population et la non-sécurité grandissante du travail”. Pour inscrire ces points dans l’espace public, et les amener au plus près des corps et des consciences, les artistes visuels sont essentiels.
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