Gus Van Sant échappe aux pièges de son matériau mélodramatique et réussit à faire entendre sa petite musique.
Will Hunting est une singulière expérience de spectateur. En effet, pendant plus de deux heures, il nous est donné d’assister à un spectacle poignant et plein de suspens : comment un grand cinéaste va-t-il s’échapper du mélodrame irrespirable dans lequel il s’est laissé enfermer à double tour ? Quelle méthode emploiera-t-il pour ne pas tomber du côté d’un quelconque Barry Levinson ? Will Hunting a la saveur de ce défi, le risque délicieusement mortel du duel sur le pré fangeux du mainstream. Produit et même surproduit par Miramax, accumulant les pires handicaps (un synopsis effrayant de lourdeur, la présence de Robin Williams, le souvenir cauchemardesque des précédents hollywoodiens sur le même sujet), le film sort grandi des épreuves traversées. Sur un matériau a priori si malcommode, Van Sant parvient non seulement à imprimer sa marque d’auteur exercice certes difficile mais un peu vain , mais aussi à s’en servir comme d’un révélateur des diverses plaies du « néomélodrame » américain figure de haute voltige fort peu pratiquée car très risquée. Comme son héros, le film commence par refuser la voie toute tracée de l’intégration pour inventer sa propre liberté. C’est d’abord une affaire de place. A l’image de tous les précédents héros masculins de Van Sant, le beau et génial Will Hunting (Matt Damon) devra opérer un double mouvement de sortie. Il lui faudra s’extraire de son milieu naturel (son quartier, sa bande de copains, son travail obscur) sans pour autant tomber dans les rets acérés de la société. Pour continuer à exister, le personnage de Will Hunting ne pourra jamais être « dans » quelque
chose, mais constamment entre plusieurs points d’ancrage momentanés. La liberté est à ce prix.
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