L’art est-il vraiment si mal traité dans le dernier film d’Anne Fontaine ?
La rencontre improbable entre Isabelle Huppert, directrice de la Fondation Cartier, et Benoît Poelvoorde, sans statut social, dans Mon pire cauchemar d’Anne Fontaine, ne peut fonctionner comiquement que par clichés et représentations convenues de ce qui serait « bourgeois » ou « vulgaire ». La référence à l’art contemporain en est donc un bon marqueur, comme l’a remarqué Jean-Marc Lalanne dans son article Briser les classes. Mais l’art contemporain y est-il si mal traité pour autant ?
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Quand Poelvoorde critique une photo de fleur de Mapplethorpe en noir et blanc, parce qu’une fleur doit être en couleur, lorsqu’il critique une photo d’Hiroshi Sugimoto, toujours en noir et blanc, sur le vide de l’immense écran de cinéma, sa bêtise pourrait valoir comme révélateur de l’inanité de discours conceptuels. Mais quand il rêve de femmes dans un aquarium (tel Robert De Niro dans Mafia Blues), lorsqu’il graffite cette photo d’un sexe masculin au marqueur rouge, là c’est pure vulgarité, vandalisme iconoclaste.
Reste la scène finale de réconciliation entre les deux protagonistes, désarmante parce qu’elle passe par des oeuvres et par la création d’installations : la photo vandalisée se trouve enfermée dans un caisson rouge (au générique, on apprend que Sugimoto lui-même a réalisé le graffiti obscène) où pénètre le couple, durant une inauguration d’oeuvres de Pierrick Sorin représentant des femmes dans des aquariums. Certes c’est une « fausse exposition », mais somme toute ce sont de vraies oeuvres.
Ainsi le film ne se dénoue pas devant des oeuvres, mais par des oeuvres. L’intrigue se résout avec l’art contemporain, en lui, mais ni sur son dos, ni à ses dépens.
Frédéric Briot
Frédéric Briot est enseignant en lettres modernes à l’université de Lille-III
{"type":"Banniere-Basse"}