La privatisation de British Rail donne l’occasion à Ken Loach de faire mouche. Humour et critique politique au rendez-vous. Ken is back ! Au risque de décevoir les amateurs d’idées toutes faites qui ont mis Loach au rancart, le cinéaste est revenu à son meilleur niveau. Après sa regrettable incursion aux USA (Bread and Roses), […]
La privatisation de British Rail donne l’occasion à Ken Loach de faire mouche. Humour et critique politique au rendez-vous.
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Ken is back ! Au risque de décevoir les amateurs d’idées toutes faites qui ont mis Loach au rancart, le cinéaste est revenu à son meilleur niveau. Après sa regrettable incursion aux USA (Bread and Roses), Loach retrouve son fief habituel, le nord de l’Angleterre prolo (ici Sheffield dans le Yorkshire) et, sans céder un pouce de ses options fondamentales (défense et illustration de la classe ouvrière), il livre une œuvre à l’exacte intersection de la comédie et de la chronique sociale, d’une drôlerie et d’une justesse politique imparables. Par le passé, Loach posait au révolutionnaire tout en empruntant au cinéma hollywoodien ses gimmicks (mélo)dramatiques. Dans The Navigators, ces débordements sont canalisés. Le film adopte un profil bas et convainc en s’en tenant strictement à son sujet politico-professionnel et en dosant ses digressions émotionnelles.
C’est avant tout un film d’intervention, en prise directe sur l’actualité ; en l’occurrence, la privatisation de la compagnie nationale de chemin de fer, British Rail, dont Loach épingle les conséquences absurdes et cruelles avec pertinence, secondé par un nouveau scénariste, Rob Dawber, qui connaît la question pour avoir travaillé dix-huit ans à British Rail. Ce scénariste en herbe met la pédale douce sur la manipulation du public. Pour une fois, il n’y a même pas un personnage unique et central pour susciter l’identification, pas de héros christique chargé de tous les malheurs de la terre. Loach prend pour modèle un groupe de « navigators », forçats du rail veillant à l’entretien des voies au péril de leur vie (on sursaute quand un cadre évoque un quota de morts « acceptable »). Evidemment truculents, mais sans exagérer, ces cheminots prennent de plein fouet la loi du libéralisme qui, en privatisant la compagnie, les contraint à travailler au lance-pierre avec un statut d’intérimaires, et dans des conditions de sécurité désastreuses. La narration se partage entre ces problèmes socio-professionnels, complexes et documentés, la camaraderie des ouvriers et leurs relations avec leur encadrement, fondées sur l’insolence et la facétie. La vie privée des personnages aère le récit de façon parcimonieuse et retenue. Cette fois Loach a tout bon et lance un joli pavé dans la mare du libéralisme. Seule partie à revoir : la musiquette de George Fenton, qui n’est ni Stan Kenton ni George Benson.
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