Si les protagonistes et les situations abondent dans Mulholland Drive, si l’on est happé par une profusion fictionnelle invraisemblable d’invention et de générosité, le film est quand même axé sur un personnage essentiel, l’innocente et blonde Betty, midinette de l’Ontario profond qui débarque à Los Angeles pour devenir « movie star ! ». Très vite, elle rencontre […]
Si les protagonistes et les situations abondent dans Mulholland Drive, si l’on est happé par une profusion fictionnelle invraisemblable d’invention et de générosité, le film est quand même axé sur un personnage essentiel, l’innocente et blonde Betty, midinette de l’Ontario profond qui débarque à Los Angeles pour devenir « movie star ! ». Très vite, elle rencontre la sexy et plantureuse Rita, brunette amnésique, femme sans identité pour mieux porter en elle toutes les stars de l’histoire d’Hollywood : si Betty évoque Doris Day, Rita, c’est le visage d’Ava Gardner et les formes de Jane Russell, l’allure et les origines latinos de Rita Hayworth, la fêlure de Gene Tierney, c’est une incarnation du glamour d’antan dans laquelle Betty (et le spectateur) peut tout projeter Rita est le Rêve Hollywoodien incarné, l’écran de tous les désirs, aussi bien que Betty est Mademoiselle Tout le Monde, la spectatrice lambda.
Dans la longue première partie du film, très fluide, très élégante, Betty enquête sur l’identité de sa nouvelle copine Rita, selon un mode typiquement hitchcockien dans lequel un spectateur anonyme passif veut entrer dans l’image, devenir agent actif de la fiction, participer à la mise en scène pour mieux jouir des images.
Dans la seconde partie, plus courte, plus syncopée, plus dure et plus coupante, comme si Lynch se livrait à un emboutissement jouissif, un saccage volontaire de l’ample classicisme de la première partie, c’est la même histoire qui reprend sur un mode inverse, les mêmes personnages dont les noms et les rôles sont redistribués.
Il y a donc deux filles, deux histoires, deux versions d’une même audition, deux Betty Il y a aussi deux niveaux permanents de vision du film : on est à la fois spectateur passif prisonnier consentant des rets de Lynch et spectateur actif questionnant en permanence les images qui défilent. Mulholland Drive se situe à la crête de la post-modernité (dans sa façon d’aborder la narration et les personnages) et dans la lignée du grand cinéma classique (du film noir au western, du grand mélo à la série feuilletonesque qui constitue d’ailleurs le socle originel de ce projet ).
Lynch invente là le film quasi parfait, celui qui offre un univers enveloppant où le public peut revenir s’engloutir et se perdre à satiété, tout en proposant une Idée de ce que peut être le cinéma aujourd’hui.
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