Revoir Pierrot le fou aujourd’hui confirme son inaltérable violence, son statut unique de film rimbaldien. (Dé)construit suivant le principe surréaliste des associations et des rencontres, Pierrot le fou, chaotique et limpide, léger et tragique, allie la beauté convulsive d’A bout de souffle au lyrisme contemplatif du Mépris. L’ambition de Godard est de dresser l’état de […]
Revoir Pierrot le fou aujourd’hui confirme son inaltérable violence, son statut unique de film rimbaldien. (Dé)construit suivant le principe surréaliste des associations et des rencontres, Pierrot le fou, chaotique et limpide, léger et tragique, allie la beauté convulsive d’A bout de souffle au lyrisme contemplatif du Mépris. L’ambition de Godard est de dresser l’état de lieux d’une époque, le constat désespéré d’une civilisation en déclin, en filmant l’aventure d’un homme, cyniquement marié à une femme riche, qui décide un soir de fuir sa morne existence avec une fille autrefois aimée et retrouvée par hasard. Dès lors, Pierrot le fou, navigant sans cesse entre le polar et la comédie musicale, invente les signes d’un genre futur, le « road-movie », dans son acceptation moderne et européenne : Pierrot-Ferdinand et Marianne (Belmondo et Anna Karina, en état de grâce) traversent une multitude de paysages, à la fois géographiques (la France filmée comme une terre étrangère, avec des oasis et des îles désertes), politiques (les fantômes de l’Algérie et du Vietnam, l’Histoire qui vient parasiter l’histoire) et culturels (Elie Faure tout contre la Série Noire). La mort, plus que Marianne qui sans cesse lui échappe, dans un film qui exalte le couple pour mieux en montrer l’impossibilité ontologique, est la vraie compagne de Ferdinand, jusqu’à l’étreinte finale, face à la mer, dans un dernier plan sublime qui réconcilie la vie et la mort, l’eau et le feu, l’homme et la femme.
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