Studio Canal propose une nouvelle collection qui réunit, dans des copies somptueuses, quelques grands classiques en noir et blanc, essentiellement français (Le Quai des brumes de Marcel Carné, Casque d’or de Jacques Becker, Pépé le Moko de Julien Duvivier, mais aussi Le Troisième Homme de Carol Reed). La Bête humaine est pour l’instant le plus […]
Studio Canal propose une nouvelle collection qui réunit, dans des copies somptueuses, quelques grands classiques en noir et blanc, essentiellement français (Le Quai des brumes de Marcel Carné, Casque d’or de Jacques Becker, Pépé le Moko de Julien Duvivier, mais aussi Le Troisième Homme de Carol Reed). La Bête humaine est pour l’instant le plus beau titre de la série. Produit par Robert Hakim et réalisé par Jean Renoir en 1937, à la demande de Jean Gabin, La Bête humaine prend certaines libertés avec Zola, que Renoir connaît bien (il a déjà adapté Nana dans sa période muette), en transposant le récit à l’époque contemporaine et en modifiant la fameuse scène de meurtre passionnel dont Jacques Lantier, le cheminot victime de l’hérédité violente des Rougon-Macquart, est le témoin involontaire. Le film est très marqué par la lutte des classes et l’inégalité sociale, thèmes qui préoccupent beaucoup Renoir à cette époque (son film suivant sera La Règle du jeu). La Bête humaine est organisé autour de plusieurs trios humains liés par des rapports conjugaux, amoureux, ou simplement charnels. Par exemple Simone Simon, son mari Fernand Ledoux et son protecteur, un aristocrate libidineux qui a abusé d’elle dans son enfance, et qui finira assassiné, mais aussi la double relation surprenante qu’entretient Lantier avec Simone Simon, devenue sa maîtresse, et son instrument de travail, la locomotive Louison. Le génial Carette, dans le rôle du meilleur ami de Gabin, est à la fois le témoin impuissant du drame qui se noue et la figure positive du prolétaire bon vivant et honnête. Jean Renoir s’est octroyé le petit rôle d’un employé de la SNCF impulsif et sincère injustement accusé par la police. La déposition qu’il livre aux enquêteurs est un des plus bouleversants passages du film. La Bête humaine n’est pas seulement un film politique. C’est un chef-d’œuvre sur la passion humaine et le poids du destin. Mais contrairement à Carné et au réalisme poétique, Renoir ne se réfugie pas derrière la notion de fatalité. Il désigne les coupables, les corrupteurs, critique la société, décrit et analyse chaque comportement avec une acuité qui le fait, in fine, rejoindre Zola, l’écrivain qui incarne, pour paraphraser Deleuze, la plus haute idée du naturalisme. Les accords passés avec la SNCF et le long travail préparatoire des acteurs confèrent au film de Renoir un réalisme hallucinant et quasi documentaire sur le métier de cheminot. Parmi les suppléments (bande-annonce et iconographie), on trouve des images précieuses : un court entretien filmé de Jean Renoir à propos du film, qui permet de savourer le charme et l’intelligence du plus grand réalisateur français.
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