Plus secret mais plus beau encore que La Horde sauvage, Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia vient confirmer que le pays de la mort n’est plus à l’Ouest mais au Sud. Le film dévide littéralement le programme annoncé par son titre avec une sublime naïveté. Un minable pianiste de bar s’improvise sans grand mérite chasseur ou […]
Plus secret mais plus beau encore que La Horde sauvage, Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia vient confirmer que le pays de la mort n’est plus à l’Ouest mais au Sud. Le film dévide littéralement le programme annoncé par son titre avec une sublime naïveté. Un minable pianiste de bar s’improvise sans grand mérite chasseur ou plutôt cueilleur de primes, en mettant la main sur la tête en question, celle d’un homme qui n’avait pour tort que d’aimer la fille d’un grand propriétaire terrien. Et voilà le grand Warren Oates, dans le rôle de sa vie, qui partage la vedette de ce road-movie avec un sac grouillant de mouches, mort en sursis qui ne veut pas savoir qu’il est bien moins vivant que la dépouille qu’il transporte. Dépouillé, sans ostentation, le film cultive lui aussi une lenteur qui cette fois a des allures de nonchalance funèbre, le sourire désinvolte des crânes en sucre d’orge du « día de los muertos ». Si ce n’est que le film récuse tout folklore, et que Peckinpah filme le Mexique mieux qu’aucun autre cinéaste américain, Huston compris : une vision crue, sans couleurs flatteuses, où la seule concession perverse aux mythologies locales est la présence en forme d’hommage d’Emilio Fernandez, pétaradant patriarche du cinéma mexicain qui, comme dans La Horde sauvage, incarne le Mal sous le masque de l’ordre. Comme par hasard, alors que les incandescences stylistiques de La Horde ont été dégradées par d’innombrables épigones sans talent, le cinéma américain (à l’exception du marginal Alex Cox et de son Highway Patrolman, vrai film mexicain) a oublié ce Peckinpah-là, le poète au lyrisme en sourdine. Mais c’est à coup sûr le plus précieux.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}