Dans La Ville est tranquille, comme dans l’excellent A La vie à la mort, Guédiguian mélange ses deux tendances dominantes, le petit théâtre comique et le mélodrame populaire, et signe sous ce titre superbe ce qui aurait pu être son plus beau film s’il n’était lesté des défauts les plus saillants du sympatoche Marseillais. Première […]
Dans La Ville est tranquille, comme dans l’excellent A La vie à la mort, Guédiguian mélange ses deux tendances dominantes, le petit théâtre comique et le mélodrame populaire, et signe sous ce titre superbe ce qui aurait pu être son plus beau film s’il n’était lesté des défauts les plus saillants du sympatoche Marseillais. Première belle surprise, Guédiguian ne se limite pas à l’Estaque et sa chouette bande de prolétaires mais élargit son monde à tout Marseille et à toutes les classes sociales. Son geste se fait ainsi plus ambitieux, plus ample, une sensation polyphonique remplaçant avec bonheur l’habituel pré-carré guédiguianesque. Du coup, sentiment que le cinéaste n’a jamais mieux filmé la cité phocéenne. C’est une mise en scène rythmique et mélodique de Marseille que propose le cinéaste, quasiment une mise en musique. Dans ce décor naturel de caractère, Guédiguian entrecroise divers personnages, dont certains sont particulièrement savoureux. Le vieux couple de retraités Roberts/Boudet et son théâtre des manies, ou bien Jean-Pierre Darroussin dont le personnage de chauffeur de taxi peut être vu comme une réponse amusée à certain blockbuster franchouillard récent. Quadra solitaire qui s’invente une fiancée pour ne pas peiner ses parents, Darroussin est comique (l’Internationale en allemand, scène d’anthologie) mais à la Chaplin, c’est-à-dire émouvant et jamais loin du tragique. Les choses se gâtent un peu avec le couple mère/fille Ascaride/Parmentier : la maman employée de poissonnerie qui élève le bébé de sa fille, laquelle est prostituée et droguée jusqu’à la moelle. Ça fait beaucoup et il suffit d’ajouter un mari/père chômeur militant FN pour atterrir plus prêt de Loach que de Pialat : pathos édifiant, malheur au carré et horizon plombé font rarement du cinéma convaincant. Guédiguian n’est pas tellement plus heureux avec son couple de bourgeois de gauche qu’il filme un peu comme un de ses personnages les tient en joue, au fusil à lunette. Quand la dame, prof de musique, quitte son mari volage et finit par coucher avec un jeune Noir des cités fraîchement sorti de prison (mais repenti), ou quand ce même Noir enseigne la conscience politique aux gamins rappeurs, on tombe dans le cliché à la Benetton, le catéchisme de gauche, dans un monde qui n’existe que dans la tête de Guédiguian. Dommage que de telles pesanteurs plombent un film qui est par ailleurs plein d’allant, d’élan et de subtilités.
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