Altman continue de porter son regard au vitriol sur la haute société américaine et envisage ici la renaissance des Etats-Unis. Tout va bien pour le docteur T : il est beau et riche, il a une femme et deux filles superbes, il aime son métier de gynécologue et sa clientèle de bourgeoises huppées, son cabinet […]
Altman continue de porter son regard au vitriol sur la haute société américaine et envisage ici la renaissance des Etats-Unis.
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Tout va bien pour le docteur T : il est beau et riche, il a une femme et deux filles superbes, il aime son métier de gynécologue et sa clientèle de bourgeoises huppées, son cabinet ne désemplit pas, il siège au conseil municipal, bref, c’est un notable de Dallas à l’éclatante réussite. Jusqu’au jour où son épouse déjante, où sa belle-sœur pochetronne débarque avec marmaille et fioles de whisky, où il apprend que sa fille sur le point de se marier est lesbienne, bref, jusqu’au jour où tous ses repères vacillent… Altman revient sur son turf le plus éprouvé, celui du film choral et de la comédie de mœurs, et plante son petit théâtre satirique dans la haute société de Dallas. Et s’il emprunte les personnages de grands bourgeois névrosés et l’esthétique télévisuelle de la célèbre série à l’univers impitoyable, c’est évidemment pour poser dessus son regard vitrioleur.
Tel le Cukor de Women, Altman filme ici les femmes comme une volière en folie où se dandinent des dindes et des oies, des poules et des grues couronnées. Il montre aussi les préoccupations dérisoires de ces dames : organiser une cérémonie de mariage à l’intérieur ou à l’extérieur, se trouver absolument une maladie parce que la santé est bonne et que c’est inquiétant, devenir la la plus élégante des ménopausées du quartier… Tout cela a l’air fort misogyne, et ça l’est, mais à y regarder de plus près, pas tant que ça. D’abord, le scénario est signé par une certaine Anne Rapp, ensuite, les hommes, gamins ridicules qui vont à la chasse en treillis et reviennent toujours bredouilles, ne sont pas mieux lotis. Enfin, le personnage le plus émouvant (Farah Fawcett, qui retombe en enfance et qu’Altman regarde sans ironie) et le personnage le plus fort du film (Helen Hunt) sont féminins. Ce ne sont pas tant les femmes que brocarde Altman mais les super-privilégiés de la planète que sont les grands bourgeois américains, leur richesse stérile, leur sidérante pauvreté intellectuelle (l’Histoire réduite à des gadgets touristiques), le vide abyssal de leur existence luxueuse.
A la circularité vaine de cette société correspond la circulation souterraine de ce qui la fait tenir debout : l’alcool (on picole en loucedé). L’autre liquide qui coule, de manière beaucoup plus évidente, c’est l’eau : quasiment une fontaine ou une averse par séquence. Altman nous prépare ainsi au grand déluge biblique final. Echoué au milieu du désert, docteur T va aider à accoucher une femme latino (ou indienne), en tout cas très pauvre. Ce plan frontal d’enfantement répond au premier plan du film montrant (de dos) l’entrecuisse ouverte d’une patiente d’où émergeait par simple effet de perspective la tête du docteur Gere. L’allégorie paraît claire (cette fin rappelle la dernière partie de 2001) : Altman envisage rien moins que de faire table rase de la haute société caquetante, égoïste, repue. Il s’agit de repartir de zéro et de refonder l’Amérique.
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