Retour sur le blockbuster 3D de Steven Spielberg, avec un avis différent de celui de la semaine dernière.
Le Secret de la Licorne est la moins mauvaise adaptation des aventures de Tintin, mais cela suffit-il ? Comme prévu, l’univers d’Hergé et le monde de Spielberg s’amoindrissent au lieu de se rehausser. Le scénar mélange astucieusement respect du matériau originel et tentative d’appropriation (le scénario filial spielbergien qui fait de l’adversaire de Tintin un descendant de Rackham le Rouge).
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Sur le plan esthétique, ça coince plus : Spielberg a voulu prendre le contrepied de la ligne claire à coups de profondeur de champ, de lumières torves et de pyrotechnie hollywoodienne. Pourquoi pas ? Mais le tintinophile perd l’essentiel de ce qui fait l’attrait incomparable d’Hergé et le fan de Spielberg se voit refiler un ersatz d’Indiana Jones – un comble puisque l’archéologue au fouet était involontairement l’enfant du reporter à la houppette. Cet entre-deux est résumé par la technique de la motion capture : le résultat est disgracieux en comparaison du dessin originel et on ne reconnaît aucun acteur. Deal perdant perdant.
Il faut se rendre à l’évidence : comme Proust, Tintin est inadaptable. Avec des acteurs (La Toison d’or…), en anime (Le Lac aux requins), en série TV, les résultats sont décevants. Chez Spielberg, reste un savoir-faire (parfois épuisant), mais malgré ses moyens colossaux, son film ne contient pas un gramme de cette magie que l’on ressent dès la première case d’un album et qu’Hergé produisait avec un crayon et une gomme. Cette magie, c’est la ligne claire, mais aussi la spécificité de la BD qui laisse tant de place à l’imaginaire du lecteur.
En détruisant les cases et la ligne claire, le cinéma détruit l’essence de Tintin. Pourtant, La Mort aux trousses est un chef-d’oeuvre qui évoque de loin Hergé : le meilleur moyen pour un cinéaste de s’approcher de Tintin, c’est de ne pas l’adapter.
Serge Kaganski
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