Pendant deux ans aux Inrockuptibles, chaque début de mois de novembre, la vie de la rubrique livres devenait un calvaire. Nous subissions brimades, humiliations, quand ce n’était pas tout simplement un froid glacial, un refus même de nous adresser la parole de la part de notre direction. Bref, à chaque fois que le prix Goncourt […]
Pendant deux ans aux Inrockuptibles, chaque début de mois de novembre, la vie de la rubrique livres devenait un calvaire. Nous subissions brimades, humiliations, quand ce n’était pas tout simplement un froid glacial, un refus même de nous adresser la parole de la part de notre direction. Bref, à chaque fois que le prix Goncourt tombait, la rubrique livres n’était plus en odeur de sainteté.
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Nous avions choisi Marie NDiaye pour notre couverture de rentrée littéraire 2009, et elle reçut le Goncourt ; en 2010, nous consacrions une couv à Michel Houellebecq, et hop, le Goncourt. Un jour, nous surprîmes même une conversation entre nos directeurs :
« Nos journalistes livres ne sont plus ni jeunes, ni révoltés, ni rebelles. La preuve : ils pensent comme Edmonde Charles-Roux ! Va falloir songer à les buter. »
La peur nous prit et nous décidâmes de consacrer notre rentrée 2011 à Jean Rolin, histoire d’être tranquilles, rebelles, et tout le toutim. Car c’était sûr, un petit livre de promenades à Los Angeles (alors qu’en taxi, ça aurait été plus vite) n’aurait jamais le Goncourt.
Or, ce que nous n’avions pas prévu, c’est la brusque marche arrière du jury. Exit les deux livres qui auraient fait des Goncourt magnifiques, courageux, novateurs, ambitieux, bref littéraires : le Limonov d’Emmanuel Carrère et Le Système Victoria d’Eric Reinhardt. Dès leur dernière liste, majoritairement composée de fausses valeurs et d’académismes de la rentrée, nous savions que le prix Goncourt ne comporterait aucun enjeu tant ses jurés semblent s’être acharnés à passer à côté de cette rentrée.
Mais allez savoir… Peut-être Edmonde Charles-Roux s’était, elle aussi, faite tancer ces deux dernières années pour ses choix trop Inrocks ? Merci de nous avoir évité, ce 2 novembre, le peloton d’exécution. Mais dommage pour la littérature.
Nelly Kaprilèlian
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