Avec cet excellent ouvrage de Thérèse Giraud, rédactrice aux Cahiers du cinéma il y a une vingtaine d’années, on mesure ce que cette revue a perdu au fil des ans en qualité de pensée et d’écriture (je ne parle pas de moi, bien sûr, qui ai aussi sévi aux Cahiers). Le but principal de ce […]
Avec cet excellent ouvrage de Thérèse Giraud, rédactrice aux Cahiers du cinéma il y a une vingtaine d’années, on mesure ce que cette revue a perdu au fil des ans en qualité de pensée et d’écriture (je ne parle pas de moi, bien sûr, qui ai aussi sévi aux Cahiers). Le but principal de ce livre est fort louable : réconcilier l’art, en l’occurrence cinématographique, et la technique. L’auteur s’applique à démontrer comment il est possible de faire « de l’art avec des techniques automatiques« . Le système d’enregistrement a beau être neutre, le réel a beau être restitué « ontologiquement » dans les films, il n’en reste pas moins que les œuvres portent toutes la patte d’un créateur particulier. Pour Thérèse Giraud, le génie de certains grands cinéastes (Chaplin et Bresson, par exemple, entre qui elle voit une filiation) n’est pas de transcender la technique, mais bien d’extraire de l’homme et de la nature la part de mécanique qu’ils recèlent. Pour exprimer cela plus simplement, l’automatisme des machines est le prolongement d’une dimension déjà présente dans la nature. Pour en arriver à ce constat excitant, l’auteur en passe par des démonstrations soigneusement étayées, par la réfutations d’erreurs conceptuelles de nombreux théoriciens et philosophes, dont Bergson ou même Deleuze (et partiellement Bazin), et par une histoire très détaillée de l’invention du cinéma et même des origines de la photographie. Ce livre est admirable, ne serait-ce que comme embryon d’une nouvelle histoire du cinéma, seulement il présente une légère lacune : l’inintérêt de Thérèse Giraud pour le cinéma comme art sonore. Si elle dédaigne Thomas Edison, inventeur du kinétoscope, ancêtre du cinématographe, c’est « parce qu’il s’intéressait au son et non à l’image. L’image n’était pour lui que le complément illustratif du son. » Est-ce une raison suffisante pour ignorer cette dimension essentielle du cinéma depuis 1927 ? D’autre part, grief plus bénin, Thérèse Giraud ne devrait pas méconnaître la dimension ludique du cinéma : le cinéma est un art, une industrie, une technique, mais c’est aussi un loisir, une distraction. Notion évidemment dépréciée par les austères intellectuels, mais qu’il faut prendre en compte. Cela dit, et ne serait-ce que pour la réhabilitation de la technique, bêtement dépréciée par nos traditions culturelles et artistiques, Cinéma et technologie reste un précieux ouvrage de référence.
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