Suite à un accident, un homme déjante : sa femme essaie de le reconquérir. Marie Vermillard revisite le motif du remariage avec talent, mystère et fantaisie. Violemment projeté contre l’écran/pare-brise de sa voiture, Paul est victime d’un syndrome qui guette chaque spectateur assommé par la prolifération d’images de tout acabit : le retrait hors du […]
Suite à un accident, un homme déjante : sa femme essaie de le reconquérir. Marie Vermillard revisite le motif du remariage avec talent, mystère et fantaisie.
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Violemment projeté contre l’écran/pare-brise de sa voiture, Paul est victime d’un syndrome qui guette chaque spectateur assommé par la prolifération d’images de tout acabit : le retrait hors du monde spectaculaire, la cécité affective, un retour à l’état larvaire, protégé de tout sentiment compassionnel à l’encontre de ses pairs et des événements. Sujet ambitieux, d’une actualité éprouvante (tous les jours, l’envie nous traverse de couper le robinet CNN et d’abandonner le monde à son asthénie) mais qui, cinématographiquement, encourt le risque de l’asphyxie.
Plutôt que l’étude clinique d’une pathologie régressive, Imago déplace son enjeu vers une utopie toujours plus malmenée (quel espace pour le couple ?) et prend en charge la chronique d’une réparation fatalement inaboutie ou tronquée. D’abord pôle d’attraction du film, Paul, tout à son processus d’effacement (belle composition éthérée de Frédéric Pierrot), abandonne le point focal à sa femme Marianne. Désormais, c’est elle qui conduira. Après s’être fourvoyée sur le pouvoir curatif d’une image originelle, désespérément opaque pour Paul, Marianne calque son stratagème sur le Voyage en Italie du couple Sanders/Bergman et prend le volant pour mener Paul sur le chemin de ses souvenirs d’avant la chute, souvenirs qu’elle agrémente de tout un écheveau de fictions.
Faisant sauter le carcan psychologique dans lequel ses aspirations menaçaient de s’engluer, Imago s’autorise alors écarts et accélérations, se joue des balises, esquissant des incursions chez Leo McCarey ou Preston Sturges avant d’étouffer d’une gangue malaisante ses velléités de comédie. Ce jeu de marelle mouvante, où chaque case visée est sujette à un soudain escamotage, doit beaucoup à la gamme de tonalités déployée par Nathalie Richard, notre Mireille Perrier 2000. Virevoltante et grave, drapant sa beauté de mystères, elle est de film en film plus enthousiasmante, nourrissant et transcendant son jeu de chacun de ses rôles précédents.
Le film achève de surprendre et convaincre quand, gonflé, il désosse les affects pour véritablement les prendre au pied de la lettre. La séquence de la résolution des ratés organo-mécaniques, d’une trop inquiétante évidence, invite ainsi l’étrange à franchir un palier supplémentaire : alors que s’agence une procession, écho au film de Rossellini, le couple échoue dans un garage (leur prosaïque Pompéi) où le mécano constate que Paul a « pété une durite ». Et qu’il suffit de la remplacer. Aussi simple que ça, la guérison intervient. Mais l’harmonie retrouvée n’est qu’un leurre. En biologie, l’imago est la troisième phase de la transformation du hanneton, où l’insecte devient bousier coprophage. Glissement vers le pire pour Paul, dans les abysses d’un voyeurisme prédateur. Le film n’a plus alors qu’à se clore sur l’enfermement qu’il appelait de ses vœux et laisser libre cours à la propagation de son pessimisme larvé.
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