Depuis deux jours, dans un palace parisien, Monica Bellucci fait la promo du nouveau film de Philippe Garrel, Un été brûlant, qui sort le 28 septembre. Elle porte un jean et un petit pull noir en cachemire – loin de la robe fourreau qu’elle portait à Cannes la dernière fois que je l’ai vue. C’est […]
Depuis deux jours, dans un palace parisien, Monica Bellucci fait la promo du nouveau film de Philippe Garrel, Un été brûlant, qui sort le 28 septembre. Elle porte un jean et un petit pull noir en cachemire – loin de la robe fourreau qu’elle portait à Cannes la dernière fois que je l’ai vue. C’est la fin de la journée, je compte sur sa fatigue pour la faire sortir des sentiers battus de l’interview people (la maternité, la fidélité conjugale, les drames de la beauté). J’ai lu qu’elle aimait beaucoup le cinéma de Paolo Sorrentino – cinéaste que j’abhorre. Monica n’a pas vu son dernier, le catastrophique This Must Be the Place, avec Sean Penn. Mais oui, elle aime L’Ami de la famille et Il Divo.
Elle dit : “Sorrentino a une manière de raconter la vérité sur un mode onirique qui me rappelle Fellini.” Fellini !
Monica sourit, très contente de son effet. Je réponds : “Aucun cinéaste italien actuel, en dehors de Nanni Moretti ou de Marco Bellocchio peutêtre, n’a la créativité ou l’imagination formelle des grands cinéastes italiens du passé : Antonioni, Pasolini, Rossellini… Et puis Sorrentino rend tout laid…”
Monica, calme : “Ecoutez, ça, c’est votre problème. Il Divo a fait le tour du monde. Vous ne l’aimez pas, tant pis. Vous ne croyez pas ? Certes, je ne peux pas dire que le cinéma italien soit à son sommet. Mais on y trouve quatre ou cinq cinéastes intéressants…”
Pour preuve, elle me cite Paolo Virzi, Gabriele Muccino, Giuseppe Tornatore, Marco Tullio Giordana, quatre cinéastes mous du genou avec lesquels elle a tourné ses pires films. Elle plante une banderille : “Romanzo criminale, de Michele Placido, tout le monde trouve ça beau !” Argh. Elle perçoit mon malaise : “Le cinéma italien offre ce qu’il peut offrir…”
Je la titille : “Ce n’est pas un hasard si vous tournez aujourd’hui avec Philippe Garrel ou Bahman Ghobadi (le tournage n’est pas encore terminé). C’est bien parce que vous voulez changer de type de cinéma !”
Monica : “Mais arrêtez de parler de changer ! C’est un nouvel univers à chaque fois, c’est tout : 250 films sont produits en France chaque année, contre seulement 50 en Italie. D’où le manque de films de qualité.”
Je lui demande : “La faute à qui ?” Nous touchons un sujet épineux, la politique. Monica noie le poisson : “La télévision a pris une grande place. En Italie, divertissement et cinéma se mélangent beaucoup, comme un minestrone !” Moi, les pieds dans le plat : “Et Berlusconi ?”
Elle : “Berlusconi n’est pas Néron : il a été élu ! On ne peut pas tout mettre sur le dos d’une personne. On doit se demander pourquoi les Italiens l’ont choisi. L’état d’une société, c’est la responsabilité d’un pays entier ! Sinon ça voudrait dire que tous les Italiens sont des imbéciles ? Que nous ne sommes que des chèvres qui bêlent ? C’est méprisant de dire qu’un seul homme a pu brûler le cerveau de tout un peuple, vous ne croyez pas ? Dans Un été brûlant, un personnage dit : ‘C’est bizarre, on dirait que les Italiens se sont endormis, il ne se passe plus rien.’ Et ça me rend triste. C’est triste qu’on dise cela de l’Italie. Vous ne croyez pas ?”
Si, cela, je le crois.
Jean-Baptiste Morain