Initialement, le plan consistait à se retrouver sur un tatami du centre sportif de l’Insep, histoire de voir lequel de nous deux en avait vraiment dans le kimono. Mais Teddy Riner a senti le combat piège. La veille, par l’intermédiaire de son attachée de presse, il a fait valoir une mystérieuse gêne au talon pour […]
Initialement, le plan consistait à se retrouver sur un tatami du centre sportif de l’Insep, histoire de voir lequel de nous deux en avait vraiment dans le kimono. Mais Teddy Riner a senti le combat piège. La veille, par l’intermédiaire de son attachée de presse, il a fait valoir une mystérieuse gêne au talon pour annuler l’affrontement, et donner rendez-vous dans un lieu en apparence plus tranquille.
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Nous voilà donc face à face dans un salon du très bourgeois Plaza Athénée, avenue Montaigne à Paris. Teddy boite un peu (simule-t-il ?) mais il a le sourire. Il ne sait pas encore que le duel aura bien lieu, là, sur une table basse pour le moment couverte de mignardises à la crème. « Un bras de fer ? Sérieux ? », s’étonne-t-il à l’annonce du programme. Mais, pour vérifier que le champion est aussi balèze qu’on le dit, il ne reste que ça.
Musclé et modeste
Vainqueur de sa cinquième couronne mondiale en août à Bercy, Teddy Riner, 22 ans, culmine à plus de deux mètres de hauteur et affiche près de 130 kilos sur la balance. Ses cuisses sont plus larges que celles des plus balèzes cyclistes sur piste alors que ses biceps n’auraient presque rien à envier à ceux d’Arnold Schwarzenegger époque bodybuilding.
Pourtant, sur le sujet, l’intéressé fait le modeste. « Dans le judo, mes qualités principales sont la technique, la vitesse, le mental. Pas la force ou la puissance pure. D’ailleurs, je combats régulièrement contre des judokas plus lourds, plus grands et plus puissants que moi. Et ces gars-là me mettent aussi à l’amende en musculation, faut le dire. Je soulève 160 kilos au coucher et 160 kilos au tirage, mais eux, ils font facile 180, 190, 200… »
Riner tente-t-il de nous endormir ou se prépare-t-il psychologiquement à l’éventualité d’une défaite ? On est prêts, entraînés. La veille au soir, sur internet, on a revu les meilleures scènes d’Over the Top, avec Sylvester Stalone, et on a bossé la technique sur des sites spécialisés. En matière de bras de fer, le truc consisterait à orienter la main adverse vers soi, puis à tirer, comme un malade, dans l’espoir d’en casser le poignet. Une fois cette technique acquise, tout serait possible, « peu importe le gabarit adverse », disait même un spécialiste sur un forum.
« On y va à fond ? »
Nous voilà désormais accoudés sur la table basse, nos deux mains droites scotchées l’une à l’autre, les mignardises repoussées au loin. « On y va à fond ? », demande alors Riner, comme s’il y avait vraiment une alternative. Profitant de la confusion créée par cette question légèrement irrespectueuse, on saisit discrètement, de la main gauche, le pied opposé de la table basse, afin de disposer d’un point d’appui. Il est temps de produire l’effort décisif.
Mais après trois secondes d’un affrontement extrêmement intense et serré, Riner finit par l’emporter, à notre grande surprise. A-t-il triché ? Etait-il mieux positionné que nous autour de la table ? A-t-il une technique secrète ? Mystère. Triomphal et un brin arrogant dans la victoire, Riner poussera le vice jusqu’à nous proposer une revanche du bras gauche, « ton meilleur bras, non ? ». Merci, ça va aller.
Marc Beaugé
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