Quand les cinéastes usent d’effets subliminaux.
Dans l’interview que J. J. Abrams a accordée récemment aux Cahiers du cinéma, le réalisateur de Super 8 apporte une petite précision technique qui donne son titre à l’entretien : « Les yeux de sa mère ». La voici : à la fin du film, Joe, endeuillé par la mort de sa mère, se retrouve face à l’épouvantable extraterrestre qui sème la mort dans toute la région depuis quelques jours. L’ET, qui a subi mille tortures de la part des militaires et scientifiques américains, hait les humains. Il est sur le point de tuer Joe quand l’enfant sort de ses gonds, et crie à la créature qu’il faut savoir tourner la page, parce que « life hurts » (la vie fait mal), répète-t-il.
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A ce moment-là, explique Abrams aux Cahiers, le regard du monstre est le résultat d’une incrustation numérique des yeux de l’actrice qui joue la mère de Joe. L’effet est impossible à deviner.
D’autres cinéastes ont eu recours à un tel procédé. Hitchcock, bien sûr, qui dans Psychose superpose pendant une demi seconde le visage momifiée de la mère de Norman Bates sur le visage de ce dernier. Un effet visible, mais fugace. On sait moins, peut-être, qu’il eut recours à un autre subterfuge, sans trucage aucun. A la fin de Vertigo, la religieuse qui sort soudain de l’ombre et prononce quelques mots, effrayant ainsi Kim Novak et provoquant sa chute mortelle du haut du clocher, est postsynchronisée par Kim Novac.
Abrams, lui, avoue son forfait. Mais combien de grands cinéastes ont eu recours à de tels subterfuges subliminaux dont nous ignorons tout ? Sont-ils efficaces (le cerveau du spectateur les perçoit-il réellement) ? Ou ne servent-ils qu’à donner à un film, pour son propre auteur, un supplément d’âme, de sens, et d’interdit ?
Jean-Baptiste Morain
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