Sans aucune autorisation, le groupe de vidéastes High5Collective réalise et diffuse des clips non officiels pour Kanye West ou Tyler, The Creator. Des courts métrages déments qui tournent en boucle sur Internet depuis des semaines, et redéfinissent les conceptions traditionnelles du clip. Le collectif parle aux Inrocks, entre vraies informations et grand foutage de gueule pour brouiller les pistes.
« We make art for artists that inspire us. New videos every couple weeks. Enjoy the art, bitches. » C’est la seule information officielle disponible sur High5Collective, un crew de cinq jeunes vidéastes basé à Los Angeles, dont les clips pirates enflamment Internet depuis mai 2011. Sans financement, sans autorisation préalable, ils s’approprient le nom et la musique des groupes de leur choix (le gang a bon goût : The Weeknd, Frank Ocean, Tyler, The Creator…), bouleversant les pratiques et usages de l’industrie du clip –partagée entre anonymes ou super stars type Spike Jonze ou Michel Gondry.
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Les membres d’High5Collective se sont déjà rendus responsables d’une série de clips (ils préfèrent « courts métrages »), non officiels (ils préfèrent « illégaux »), diffusés gratuitement sur Internet, à raison d’une vidéo tous les dix jours en moyenne. Des films totalement indépendants, autonomes, qui n’hésitent pas à braver l’esthétique d’un groupe ou d’un artiste (réduits à jouer la bande-son) pour leur imaginaire sale gosse, situé quelque part entre Harmony Korine (skate, drague et défonce dans le sublime Transylvania), le cinéma expérimental et le pire de l’imagerie mainstream des clips U.S.
Une petite entreprise de détournement, pas vraiment inédite (les clips unofficial squattent YouTube depuis sa création), mais qui a pris une dimension inattendue : la première vidéo, The Morning, diffusée le 31 août, a été récupérée par le site de référence Pitchfork et visionnée par plus de 200.000 personnes. Depuis, les films du collectif ont surchauffé les blogs et les médias les plus prestigieux (NME, RollingStone, The Huffington Post), alimentant la rumeur d’une révolution en cours dans le vieux monde du clip.
http://vimeo.com/24453255
« Juste un groupe de potes »
A mesure que la côte d’High5collective grimpait dans la presse, le groupe de jeunes vidéastes s’enfermait encore un peu plus dans son culte du secret (façon Banksy), déclinant de fausses identités et brouillant les possibilités d’identification sur leur page Facebook ou Trumblr. Par nécessité (éviter les risques de poursuites envisageables), mais aussi par jeu, tant le groupe (qui se définit comme la « très hautement créative cinquième dimension des Illuminati ») semble s’amuser des méthodes de communication traditionnelles de l’industrie du disque U.S et de leur soudaine popularité.
« A l’origine, on est juste une bande de potes qui font de l’art ensemble, des courts métrages, explique le collectif d’une seule voix aux Inrocks. On est tous passés par une école de cinéma, mais nous réalisions déjà des vidéos et d’autres formes d’art visuel depuis notre plus jeune âge. »
Le collectif, qui se réclame de « Jésus, George Costanza et Sir Spike Jonze », semble n’avoir aucune stratégie, pas de business plan, pas d’objectifs de carrière ou de célébrité ; il fonctionne à l’instinct et répond à une seule injonction : le désir (« On fait simplement la promotion de la musique qu’on aime »). Les films sont tournés dans l’urgence, en quelques jours, parfois dans les heures succédant la découverte d’un morceau ou d’un artiste :
« On a besoin d’un appareil photo 7D [équivalent à celui exploité par Quentin Dupieux dans Rubber ou Céline Sciamma dans Tomboy, ndlr], de bons objectifs, quelques potes, pas de budget, rien d’autre. »
Pokemon et ma grand-mère
Au panthéon d’High5Collective, on retrouve quelques uns des noms les plus excitants du R’n’B, du rap et de l’électro contemporain, qui s’offrent –sans frais– avec les vidéos home made du collectif une nouvelle publicité parfois très visible. Comme pour le clip (pas le meilleur) de This Is Our Night volé au DJ allemand Sander Kleinenberg, qui a été visionné plus de 600.000 fois sur YouTube. Ou leur controversé No Church In The Wild, qui plonge la musique de Kanye West et Jay-Z dans les images chocs de l’Amérique ségrégationniste : « Les gens ont besoin de sentir la merde », explique le groupe de vidéastes.
http://vimeo.com/28645277
Chaque nouvelle diffusion d’un clip (surtout ceux avec Franck Ocean), trouble encore plus la frontière entre officiel/non officiel, et alimente le buzz autour d’High5Collective, qui pourrait bien connaître le destin de la jeune Kreayshawn : une rappeuse vidéaste dont les clips autoproduits l’ont propulsée nouvelle signature phare de Sony.
Mais le collectif de Los Angeles préfère pour l’instant se concentrer sur ces nouveaux projets, dont il dresse l’inventaire très sérieux :
« L’assemblage d’un immense puzzle dans notre maison ; un long métrage sur les Pokemon en live ; baiser un duckbutter ; twister avec votre grand-mère. »
Mr. Little Jeans – The Suburbs
http://vimeo.com/27423671
Tyler, the Creator – Transylvania
http://vimeo.com/25394063
Does It Offend You, Yeah? – The Wrestler
http://vimeo.com/25991303
Romain Blondeau
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