En lançant sa candidature à l’élection présidentielle ce mardi, l’ancien député européen Carl Lang, qui a quitté le FN il y a trois ans, entend casser l’hégémonie que la présidente du Front national exerce sur l’extrême droite française et pourquoi pas la priver d’1 ou 2% de voix pour l’empêcher d’accéder au second tour de la présidentielle.
Depuis qu’il a claqué la porte du Front national après trente ans de militantisme, Carl Lang ne ménage pas ses efforts pour rassembler la branche réprouvée et marginalisée de l’extrême droite française. Après avoir fondé son propre parti, le Parti de la France, l’ancien député européen a donc cherché de colloques en congrès nationalistes, à rassembler les groupuscules nationalistes ayant rompu avec le Front national.
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Une stratégie payante puisque sa candidature à la présidentielle est aujourd’hui soutenue par deux de ces formations, à savoir la Nouvelle droite populaire (NDP) et le Mouvement national républicain (MNR), fondé par Bruno Mégret.
Préférence nationale, libéralisme et racines chrétiennes
Alors que Marine Le Pen revendique un positionnement au-dessus des partis du système, Carl Lang et ses soutiens s’affichent fièrement comme les défenseurs de « la droite nationale et européenne ». « Sa gauchisation me permet d’occuper un vide », assure sans complexe Carl Lang. Résolument à droite, l’ancien numéro 3 du FN se pose comme le gardien de la vulgate frontiste des origines, celle en vigueur avant l’arrivée de Marine Le Pen.
Contrairement à la présidente du Front qui préfère parler de « priorité nationale » ou « citoyenne », Carl Lang ne s’embarrasse pas de ses préoccupations sémantiques et se réfère sans détour au bon vieux credo de la préférence nationale : « il faut réserver nos emplois et nos aides sociales aux Français ».
Sur le plan économique, Carl Lang renoue avec le libéralisme et fustige sans détour « l’étatisme et le fiscalisme ». Hostile à la sortie de la zone euro, l’ancien député européen souhaite jouer la carte de la crédibilité face à une Marine Le Pen qui peine à convaincre sur son programme économique.
Appuyé notamment par les courants catholiques traditionalistes qui ne se retrouvent plus dans les positions laïcistes de Marine Le Pen, le président du Parti de la France revendique « les racines chrétiennes de la France » et se dit très attaché à la famille et au mariage.
Une épine pour Marine Le Pen
En 2002, la candidature dissidente de Bruno Mégret avait fait perdre 2,3% de voix au Front national. Pas suffisant, à l’époque, pour empêcher Jean-Marie Le Pen d’accéder au second tour. Mais alors que la prochaine présidentielle s’annonce très serrée, Carl Lang pourrait représenter une épine sérieuse pour Marine Le Pen.
Mais la candidature de Carl Lang est loin d’être acquise : l’impératif des 500 signatures d’élus représente encore un obstacle difficilement surmontable.
« Lorsque Bruno Mégret s’est présenté face à Jean-Marie Le Pen en 2002, il possédait un important vivier d’élus, ce qui n’est pas le cas du Parti de la France », estime le politologue et spécialiste de l’extrême droite Jean-Yves Camus.
Soutien officiel à la candidature de Carl Lang, le président de la Nouvelle droite populaire Robert Spieler reconnaît que la recherche de parrainages sera « compliquée » mais qu’ils ont malgré tout « de bonnes chances de réussite ». Une question de méthodologie à en croire cet ancien député frontiste. « Nous savons comment procéder, nous connaissons tous les maires qui ont pu, par le passé, apporter leur parrainage à Mégret ou à Le Pen. »
Au FN, même si l’on feint de ne pas prendre cette éventualité au sérieux, le spectre d’une candidature de Carl Lang agace très sérieusement et nourrit même les scénarios les plus complotistes.
« On voit surgir Carl Lang alors que Nicolas Sarkozy a des chances d’être éliminé au premier tour. Il ne faut pas se faire d’illusion, il y a des chances pour qu’il soit soutenu par des officines de l’UMP », déclare ainsi le secrétaire général du Front national Steeve Briois.
Téléguidé par l’Elysée ?
Un proche de Marine Le Pen va plus loin : « Le bruit court que l’Elysée lui aurait promis 250 parrainages. Leur objectif c’est d’assécher le marigot de signatures afin que Marine Le Pen ne puisse pas se présenter. » Avant d’ajouter comme pour se rassurer, « Qui connaît Carl Lang? On ne peut pas dire que son charisme transcende les foules et si vous faites un micro-trottoir, il n’y a pas une personne sur 100 qui saura qui il est. L’UMP fait une lourde erreur si elle parie sur lui ! »
Une rumeur que rejette en bloc Alain Marleix, secrétaire national aux élections au sein du parti majoritaire :
« Ce sont des accusations fantaisistes. Tous les parrainages sont désormais publics et les maires ne prendront donc pas le risque de se mettre en porte à faux vis-à-vis de leur conseil municipal. »
Un avis que partage l’historien Nicolas Lebourg : « L’édile qui soutiendrait Carl Lang prendrait le risque de se faire mal voir à la fois par le camp républicain mais également par le Front national, ça fait beaucoup. »
Pour ce spécialiste de l’extrême droite, la marge de manœuvre de Carl Lang est extrêmement réduite. « Ils sont allés trop loin dans les attaques personnelles contre Marine Le Pen pour négocier leur retour en grâce, mais il n’y a aucun avenir électoral en dehors du front. » Selon Nicolas Lebourg, son salut repose paradoxalement sur la réussite de la présidente du FN. « Si le Front national parvenait à imposer une alliance à la droite ou à participer au pouvoir, Carl Lang pourrait capitaliser dessus en se présentant comme le seul parti anti-système. »
David Doucet
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