Puisque Karl Lagerfeld inspire le monde de la mode, nous avons décidé de soumettre nos créatrices favorites à ses mantras. Profonds, futiles, dingues ou drôles, les propos du Kaiser ne laissent personne indifférent. Cette semaine, Shourouk Rhaiem, à la tête de la marque de bijoux et d’accessoires éponyme, répond à l’interview “Karl vous parle”.
Il y a de l’agitation en fond sonore, des voix, des rires surtout. Son équipe lui a organisé une surprise pour son anniversaire, 34 ans tout juste. Depuis six ans, Shourouk Rhaiem transforme la matière plastique en broderies flamboyantes où dansent strass, sequins, pierres et cristaux. Née à Paris, la jeune femme ne manque jamais une occasion de revenir en Tunisie, son pays d’origine et d’inspiration. Cette dernière, elle la puise dans ses souvenirs imprégnés de l’élégance coquette des femmes de sa famille. “Elles incarnaient l’idéal de la femme orientale”, raconte la créatrice qui garde en mémoire “l’éclat de bijoux et de chaussures dorées, l’odeur de laque qui émanait des coiffures travaillées”. À la même époque, Dallas et Dynastie trustent le petit écran. “Ma mère, c’était un peu Joan Collins” (Ndlr: l’actrice tenant le rôle d’Alexis Morrell Carrington dans Dynastie), ajoute-t-elle en riant. Shourouk Rhaiem a donc grandi entourée de femmes qui aimaient la mode, mais qui ne la faisaient pas.
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“Chloé m’a appris l’art de faire des choses délicates à partir de matériaux ordinaires, Galliano m’a apporté le faste et l’exubérance et Cavalli m’a initiée au business.”
Elle change la donne en entrant au Studio Berçot. “Tout s’est fait un peu comme ça, j’ai suivi mon instinct de coquette”, explique celle qui travaillera ensuite chez Chloé, John Galliano et Roberto Cavalli. Trois expériences à part qui lui ont donné la force de lancer sa propre marque: “Chloé m’a appris l’art de faire des choses délicates à partir de matériaux ordinaires, Galliano m’a apporté le faste et l’exubérance et Cavalli m’a initiée au business.” Elle saute le pas en 2009 avec son ami Pierre Lasquier, sur les conseils et les encouragements de Marie Rucki, la directrice du Studio Berçot, qui croit en son talent. “Nous, par contre, on n’y croyait pas du tout!” Et pourtant, ses bijoux rencontreront un succès immédiat qui perdure depuis. S’écartant un instant des festivités, Shourouk Rhaiem répond sans hésitation aux douces provocations de Karl.
“Je hais les montres, c’est la raison pour laquelle je suis toujours en retard.”
Je ne porte jamais de montre, non pas parce que je n’aime pas ça, mais parce que justement, je n’aime que les montres joaillerie. Forcément, ce n’est pas le même prix, alors j’attends de pouvoir un jour m’en offrir une. J’adore les montres un peu cachées qui se fondent dans le bijou, à l’image du modèle Serpenti de Bulgari. Je viens d’ailleurs de créer une montre pour Swarovski dans cette idée. Une montre au cadran réduit qui, au premier regard, ne ressemble pas à une montre.
“Je trouve les tatouages horribles. C’est comme vivre dans une robe Pucci 24 heures sur 24.”
Quand c’est bien réalisé, c’est très beau. Je trouve même qu’un tatouage donne du cachet à la personnalité. Par contre, je pense que je m’en lasserais très vite, au bout d’une demi-heure à peine, je ne supporterais plus cette tâche sur mon corps.
“Pensez rose, ne le portez pas!”
Je m’habille rose, je dors rose, je mange rose, je bois rose, je vis rose. C’est une couleur féminine, délicate et douce. Porter du rose, c’est assumer sa féminité. D’ailleurs, aujourd’hui, j’ai mis un pull rose pêche. De manière générale, j’adore les couleurs, mes bijoux en témoignent.
“Les pantalons de jogging sont un signe de défaite. Vous avez perdu le contrôle de votre vie, donc vous sortez en jogging.”
Je suis assez d’accord, j’ai horreur des joggings. Je n’aime pas les gens qui mettent des joggings, même le dimanche. Pour moi, l’élégance, c’est tout le temps, et le jogging, ce n’est pas élégant, c’est flasque, cela n’arrange pas les formes. En plus, je trouve que l’on fait vite déprimé en jogging.
“Si je pouvais être réincarné en un accessoire de mode, ce serait un shopping bag.”
Une minaudière. J’aime cet objet, souvent très fin, très délicat, qui renferme le nécessaire de beauté, le poudrier, l’étui à rouge à lèvres. Mais, moi, ce serait une minaudière du futur, une minaudière à toute épreuve avec sèche-cheveux inclus et tout. (Rires.)
“Il faut porter une fourrure comme un vulgaire tricot.”
Quand on porte une fourrure, il faut l’assumer jusqu’au bout, mais sans vulgarité. C’est ça que j’aime, ce côté assumé, presque ce dédain. Il faut porter la fourrure comme Alexis de Dynastie ou Samantha de Sex And The City, en assumant totalement son ostentation.
“Le vêtement ne doit pas t’aller, c’est toi qui dois aller au vêtement.”
C’est vrai, parfois, on n’ose pas essayer un vêtement qui nous plaît, alors que si l’on tentait le coup, cela nous irait très bien. Tout est dans la tête. Si vous assumez ce que vous portez, les autres le sentiront et vous trouveront géniale.
“Je suis une sorte de nymphomane de la mode qui n’atteint jamais l’orgasme.”
Quand on est artiste, on est en permanence insatisfait. C’est cette insatisfaction perpétuelle qui nous incite à repousser nos limites. C’est elle le moteur de la création. Si un créateur se dit content de lui, soit le produit n’est pas bon, soit il ment.
“Si vous me demandiez ce que j’aurais préféré inventer dans la mode, je vous répondrais la chemise blanche. Pour moi, une chemise, c’est la base de tout. Tout le reste passe après.”
Ça va faire un peu fayot, mais j’aurais voulu inventer le tailleur Chanel. Classique, intemporel, confortable et pratique. Je me suis offert, il n’y a pas longtemps, une veste Chanel vintage. Je ne sais pas comment l’expliquer, mais c’est vraiment autre chose, cela touche au parfait.
“On n’est jamais trop habillé, ni pas assez habillé avec une petite robe noire.”
La petite robe noire m’insupporte! C’est vraiment une idée à la con. Cela ne me traverserait même pas l’esprit d’en mettre une, d’ailleurs je n’en ai pas. J’aime la couleur, j’aime les imprimés. Ma devise, ce serait plutôt rainbow forever. (Rires.)
Propos recueillis par Léandra Ricou
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