“C’était très intéressant de découvrir ce que Beyoncé a fait de ma chanson”

Elle est américaine mais a grandi au Japon. Elle chante mais dessine aussi ses tenues de scènes. Elle a collaboré avec Beyoncé et Sébastien Tellier. Bref, Caroline Polachek, alias Ramona Lisa, va toujours là où on ne l’attend pas.

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À 28 ans, la jeune femme a déjà monté le duo Chairlift et connu un succès planétaire, et elle entame aujourd’hui une carrière solo pour laquelle elle inaugure son nouveau nom de scène. Décalé et excentrique, ce nouveau patronyme est à l’image de la chanteuse insaisissable, qui a sorti son premier album Arcadia, le 28 avril dernier.

Enthousiaste à l’idée de commenter son fil Instagram, c’est dans un français impeccable qu’elle nous raconte les coulisses des clichés qu’on lui présente. Une fois de plus, la jeune femme que l’on rencontre est assez loin de celle qu’on avait imaginée. Avec un pseudo pareil, on s’attendait à découvrir une artiste un peu grunge dans l’âme, une rebelle qui n’a pas froid aux yeux et qui assume avec désinvolture l’originalité de son nom. Finalement, c’est une grande fille frêle aux traits fins, des grands yeux verts dessinés sur ses ongles, qui vient tranquillement siroter avec nous son Perrier en terrasse, quelques heures avant son concert au Carmen. Rencontre.

PEINTURE DE MONA LISA (POSTÉE LE 04/O6/2014)

Ton nom est une référence directe à La Joconde, pourquoi avoir choisi de t’appeler comme ça?

J’utilise le pseudonyme de Ramona Lisa depuis huit ans sur Facebook pour ne pas que les gens me trouvent. Lorsque j’ai commencé à écrire les chansons de mon dernier album, j’ai réalisé que ce serait un parfait nom d’artiste. J’aime le contraste qu’offre ce pseudo, ça me permet par exemple de mêler du chant classique avec du freestyle, cette musique des années 80 venue de Miami.

Tu as fait partie du duo Chairlift et maintenant tu es Ramona Lisa, est-ce qu’un jour tu vas te produire sous ton vrai nom?

Bien sûr! Je vais faire un album sous le nom de Caroline Polachek, j’ai d’ailleurs déjà des idées! Mais en écrivant les chansons de mon dernier album, je ne me reconnaissais pas, j’ai vu quelqu’un d’autre, un personnage, un dessin, voire même une bande dessinée. J’ai donc finalement traité ce projet de Ramona Lisa comme un film dont je serais la réalisatrice plutôt que comme une simple chanteuse.

SELFIE WEIRD (POSTÉ LE 13/05/2013)

Tu es fan de Frida Kahlo?

Ce jour-là, j’étais chez moi avec mon copain, on faisait vraiment n’importe quoi… On a fait ça sans réfléchir mais c’est vrai qu’il y a un côté Frida Kahlo! Il prenait des photos dans la salle de bains et voilà, maintenant c’est sur Internet.

CROQUIS (POSTÉ LE 29/05/2014)

En dehors de la musique, ton truc c’est aussi la mode. Est-ce que tu dessines tes tenues?

Oui, j’ai dessiné les tenues qu’on va porter avec les filles pour mon concert au Carmen, en collaboration avec la créatrice Valentina Kova. Ce dessin, c’est une idée que j’ai eue pour la boucle d’une ceinture que je porte sur scène. En fait, beaucoup de clips et d’idées pour Ramona Lisa commencent par un dessin. Par exemple, pour me souvenir des setlists de mes chorégraphies, j’ai créé un système de symboles comme ceux qui sont utilisés en danse contemporaine. Pour le show, ma chorégraphie est vraiment inspirée des hiéroglyphes égyptiens donc visuellement c’est très semblable à des dessins.

BEYONCÉ (POSTÉ LE 13/12/2013)

Peux-tu nous parler de ta collaboration avec Beyoncé?

Je ne réalise même pas que cette collaboration est bien réelle… Beyoncé est une vraie artiste donc c’était très intéressant de découvrir ce qu’elle a fait de ma chanson. Lorsque j’ai écrit No Angel, je pensais qu’elle allait la chanter à sa manière, mais non! En fait, elle m’a imitée et ensuite, elle a fait quelques ajouts de génie. Par exemple, au début du morceau elle a mis du souffle entre les mots, c’est tout à fait elle: super sexy. Lorsque je lui ai donné ma chanson, je me suis dit qu’elle allait tout modifier mais elle a tout gardé dans la production. Je suis hyper contente car, bien sûr, je suis super fan!

AVEC DEVONTÉ HYNES (POSTÉ LE 13/04/2014)

Comment s’est passée ta rencontre avec Devonté Hynes des Blood Orange?

Devonté, je le connais depuis huit ans maintenant car on vit à New York tous les deux. On s’était rencontrés plusieurs fois en tournée, à Londres, à Brighton, à Paris… Lorsqu’il s’est lancé dans son dernier album, il m’a appelée pour me demander de chanter sur une chanson. Et sur cette photo, je suis habillée par le créateur threeASFOUR, qui travaille souvent pour Lady Gaga, je l’adore!

Que s’est-il passé en studio lorsque tu as enregistré ce morceau?

Le jour où il m’a invitée à venir chanter sur Chamakay, je traversais une période compliquée de ma vie personnelle. On est arrivés à la session d’enregistrement habillés de la même manière, tout en noir, veste en cuir noir et black jeans, on était comme des jumeaux. Il m’a demandé de chanter un chœur s’inspirant d’un chant de femmes africaines et j’ai presque fait un malaise tellement c’était dur, c’était très puissant par rapport à ce que je fais d’habitude. C’est peut-être la meilleure collaboration que j’aie jamais faite, on s’est compris très vite, c’était très émouvant.

SON PASSEPORT (POSTÉ LE 23/06/2013)

Tu es une voyageuse aguerrie?

Oh non, lorsque je suis sur les routes je suis un cauchemar, je suis toujours perdue, en retard et fatiguée car je fais tout le temps la fête. Après mes concerts, je reste très tard chez des amis ou dans des bars et le lendemain c’est l’horreur. Mais oui, j’adore voyager!

Qu’est-ce qui te manque le plus lorsque tu voyages?

Ce qui est dur parfois en tournée c’est de ne jamais avoir de temps pour soi, car on partage toujours nos chambres avec les filles du groupe. Alors quand j’ai besoin d’être seule, je m’isole pour prendre des bains et ça dure des heures.

Quel est le moment que tu préfères lorsque tu es à l’étranger?

La nuit. Lorsque je suis en voyage, je suis plutôt du genre à rester éveillée très tard au lieu de dormir dans ma chambre. J’aime aussi beaucoup visiter les villes où je m’arrête, je suis une vraie touriste au fond.

UN PORTRAIT D’ENFANCE (POSTÉ LE 12/06/2014)

Tu as grandi à Tokyo, quels souvenirs gardes-tu de ton enfance?

Je me souviens des bonbons, des animaux, de mes camarades, des dessins animés… Petite, j’étais déjà très attirée par l’esthétique de l’art japonais traditionnel, j’avais des petits kimonos, j’aimais beaucoup les cérémonies du thé et j’étais mystifiée par l’architecture. J’ai aussi un souvenir de l’école, où l’on chantait les chansons traditionnelles japonaises: j’aimais beaucoup la tonalité pentatonique de cette musique. Ce sont des sons très différents d’ici, que j’ai gardés en moi. Je suis restée cinq ans là-bas et le jour où je suis arrivée aux États-Unis pour la première fois, je me souviens avoir dit “Maman, Maman, tout le monde à les cheveux colorés!” Je n’en revenais pas de voir des cheveux rouges ou blonds car, à Tokyo, tout le monde était brun.

Propos recueillis par Louise des Ligneris