Ouvert en novembre dernier, le NUMA veut devenir une place forte du numérique français à Paris. Visite des lieux et rencontre avec ces jeunes entrepreneurs qui font du numérique “made in France”.
Attablés à l’entrée, trois jeunes pianotent sur leurs Mac, cafés à portée de main. Derrière le bar, le serveur enchaîne les commandes et sur le comptoir, un plateau déborde de brownies. Au fond de cet espace aux allures de loft industriel, une armée d’ordinateurs s’étale sur deux tables. Leurs propriétaires discutent à voix basse. On s’imagine dans un café à San Francisco. Bienvenue au NUMA. Ses six étages sont destinés, entre autres, à la création de projets et au développement de start-ups, une ambition numérique que l’équipe souhaite étendre au-delà de ses murs, dans le quartier où il a élu domicile, le Sentier.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
NUMA, c’est la contraction de “numérique” et “humain”.
NUMA, c’est la contraction de “numérique” et “humain”. Une dualité évidente lorsqu’on passe les portes du bâtiment. Au rez-de-chaussée, 50 places de coworking sont mises à disposition gratuitement pour ceux qui souhaitent travailler ou se connecter à Internet. Assis au bar, Julien auto-entrepreneur nous explique la raison de sa présence: “Je viens pour le wi-fi. Et puis, c’est quand même plus motivant de travailler ici que chez moi. On peut rencontrer des gens, discuter de nos projets.” À côté de lui, un jeune homme passe commande, Google Glasses au nez.
Bien plus qu’un incubateur
Accélérateur de start-ups, espace de travail partagé, espace dédié à l’organisation d’évènements… sur six étages, le NUMA propose divers services pour accompagner les projets dans le domaine numérique. Le NUMA, ce sont aussi près de 1000 évènements organisés en six mois, 80 000 personnes passées dans le bâtiment, 60 start-ups ayant bénéficié du programme d’accélération du Camping, 100 places de coworking dont 50 à la Cantine, 20 idées de projets dans le Data Shaker, 20 autres dans SchooLab… Frédéric Oru, directeur général adjoint, nous aide à nous y retrouver. Sous l’œil d’un logo Android, il nous livre sa vision des choses: “NUMA, ce n’est pas tant un lieu que 14 ans de soutien aux porteurs de projets numériques quels qu’ils soient. On lit encore trop souvent que NUMA est un incubateur, or il y a plus de diversité ici que dans un incubateur ou un accélérateur”, commence-t-il.
© Aude Lambert / Cheek Magazine
Avant de s’appeler NUMA, la structure était connue sous le nom de Silicon Sentier. Mais cette association parisienne souhaitait réunir dans un même endroit la Cantine, premier espace de coworking en France ouvert en 2008, et le Camping, un accélérateur de start-ups lancé en 2011. C’est chose faite depuis novembre dernier et la création du NUMA. Dans le bâtiment de la rue du Caire, La Cantine occupe le premier étage et le Camping, le troisième. D’autres projets ont ensuite été développés tels que Data Shaker, un programme expérimental autour des Data ou encore Schoolab, un dispositif basé sur l’échange entre écoles, étudiants et entreprises.
Des start-ups “made in France”
“Aujourd’hui, NUMA c’est un important réseau de l’entreprenariat numérique en Île-de-France, avec des ramifications en France et à l’international”, poursuit Frédéric Oru. Le réseau. Un mot qui revient souvent dans la bouche des jeunes entrepreneurs qui ont participé durant quatre mois à la dernière session du Camping ici, au troisième étage. Le but de ces sessions: aiguiller, accompagner et pousser de jeunes start-ups innovantes pour, qu’à la fin de l’expérience, elles passent de l’idée au produit.
Parmi les 12 start-ups sélectionnées pour le programme d’accélération cette saison, il y a Qleek. Spécialisée dans le hardware, Qleek développe un objet connecté qui permet de partager à domicile, sur différents supports (télé, ordinateur, tablette…) ses séries télé, play-lists musicales ou encore photos favorites. L’idée: “rematérialiser” nos contenus numériques. L’objectif: remplacer le CD. Après quatre mois au Camping et deux mois de coworking, Qleek a lancé sa campagne de crowdfunding et levé près de 55 000 dollars sur les 70 000 escomptés.
“Nous sommes des entremetteurs. Ceux qui apportent la valeur, ce sont les gens qui viennent de l’extérieur.”
Pour Frédéric Oru, l’équipe du NUMA fait le lien entre les start-ups et des investisseurs ou clients potentiels. “Nous sommes des entremetteurs. Ceux qui apportent la valeur, ce sont les gens qui viennent de l’extérieur. Nous, on crée des opportunités et après, c’est à eux de les saisir.”
Lors de notre vite au NUMA, nous croisons Coline Debayle, cofondatrice de Artips, qui propose par e-mail une anecdote originale et décalée sur une œuvre d’art à lire en une minute. “Le programme est très intense, il y a beaucoup de séminaires, de conférences et de présentations, tout va très vite. Mais ne pas pouvoir assister à tout, ça peut être un peu frustrant”, reconnaît-elle. Guillaume Belmas, cofondateur de Realytics, une plateforme qui permet de mesurer l’impact des publicités télé sur les sites Internet et applications mobiles, confirme: “On est très sollicités mais NUMA nous a donné les bonnes clés pour se développer et recentrer notre activité.” Comme ses deux collègues, ce réseau lui a été profitable: “On a trouvé nos premiers clients grâce aux contacts du Camping.”
Le point commun entre ces jeunes entrepreneurs: un état d’esprit positif et la même envie de réussir. Une ambiance présente jusque dans les couloirs, où s’affichent sur les murs les photos de leurs prédécesseurs. En montant les escaliers, on peut lire à chaque marche le nom d’un particulier ou d’une entreprises qui a soutenu le NUMA lors de sa campagne de financement participatif.
© Aude Lambert / Cheek Magazine
La “coopétition” à la française
Une vision à l’américaine de l’entreprenariat, où tout serait possible? “Ce que vous appelez l’esprit américain, c’est simplement l’optimisme, continue Frédéric Oru. Oui, on peut créer des choses, ce n’est pas le marasme économique, on s’en fout!” Il reconnaît toutefois une certaine influence: “Au départ, on s’est inspirés d’un écosystème et d’un modèle américain qui était la Silicon Valley, mais on a fini par inventer un modèle à la française qui est différent.” D’où le récent changement de nom et l’abandon de celui de Silicon Sentier. Pour lui, la singularité française, c’est l’esprit de “coopétition”: “Toutes ces boîtes cherchent à se développer, à avoir du succès, mais elles savent travailler entre elles.”
Preuve en est, certains décident de continuer à travailler ensemble. Guillaume Belmas a fait ce choix. “La session est terminée. Avec 6 autres start-ups, on vient de trouver un local à Strasbourg Saint-Denis pour s’installer. On a tout intérêt à rester proche du NUMA.” Frédéric Oru voit même plus grand.
“L’un des projets, c’est que le quartier autour de nous pullule de start-ups.”
L’ambition du NUMA à long terme serait de voir le quartier du Sentier passer d’un environnement historiquement textile à un écosystème numérique. “L’un des projets, c’est que le quartier autour de nous pullule de start-ups.” Une tendance déjà amorcée selon l’agence immobilière JSB, qui nous confirme: “C’est vrai que le textile se fait pousser dehors. Il y a un renouveau dans ce quartier.”
La suite de l’expérience se dessine différemment pour chacun, en fonction du budget et des projets. Quand certains choisissent le co-working, d’autres continuent seuls dans un incubateur ou un nouvel accélérateur. Quant au NUMA, il s’apprête à accueillir de nouvelles start-ups à partir du 1er septembre.
Aude Lambert
{"type":"Banniere-Basse"}