Nelly Deflisque a plaqué sa vie parisienne le temps d’une année sabbatique. Chaque mois, elle nous raconte un bout de cette expérience hors du temps, mais surtout hors de nos frontières.
Je tape sur mon clavier comme j’aimerais le faire sur un piano. Avec passion, hésitation, articulations qui craquent et doigts qui dansent. Jamais l’écriture ne m’aura autant manqué qu’en tâtant les touches du piano de la grande librairie de Birmingham. Oui, ce mois-ci, j’ai définitivement abandonné la badass en moi pour laisser place à une romantique en clé de sol. Mes dernières semaines britonnes se sont ainsi déroulées sur le tempo d’une partition folle, entre rencontres improbables, excursions à tout-va et fêtes à gogo.
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J’ai rencontré Nihat, musicien pour l’Orchestre philharmonique de Birmingham, après l’avoir entendu lors d’un concert-qui-fait-monter-les-poils au Symphony Hall de la ville.
Et pour inaugurer les festivités de mai, j’ai rencontré Nihat, musicien pour l’Orchestre philharmonique de Birmingham, après l’avoir entendu lors d’un concert-qui-fait-monter-les-poils au Symphony Hall de la ville. Ce violoniste d’origine chypriote a exercé son art à Ankara en Turquie pendant de nombreuses années avant de se rendre en Angleterre pour continuer à jouer de son gracile instrument. À la sortie du concert, c’est avec le timbre grave qu’il m’explique la volonté du gouvernement turc -emmené par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan- de faire voter une loi visant à restreindre l’indépendance des artistes du pays avec notamment l’instauration d’un Conseil des arts dépendant du pouvoir (très) conservateur.
Comble, Nihat m’indique qu’au moment même où nous causons, ses collègues turcs battent le pavé pour protester contre le sort qui leur sera très prochainement réservé… L’Angleterre, serait-elle en train de devenir le nouvel eldorado des artistes turcs? Quoi qu’il en soit, Nihat ne se laisse pas abattre: il part régaler les oreilles des Européens dans une tournée symphonique qui promet d’être grandiose.
Du côté de mon restaurant/bar, le débouchage des toilettes et les tonneaux de bière à rouler dans tous les sens ont achevé mes velléités de sympathiser avec les clients. Aussi, c’est en cuisine que je sociabilise le plus. Mes deux collègues, Matthew et Mari-Liis, me font mourir de rire. Entre deux choux-fleurs à éplucher et des assiettes à essuyer, les empoignades vont bon train sur la finale de l’Eurovision. Conchita Wurst crée des remous dans notre petite cuisine bordélique et c’est tant mieux. Seul moment d’accalmie: la jolie mousse savourée quand tout est vide et clean dans le resto et que Matthew lance du dub à en faire péter les vitres. Là, nous sommes tous d’accord.
Oui, je l’admets, je rentre bien (trop ?) souvent alcoolisée de fête à la coloc. Je vis mon Erasmus à retardement, les yeux brillants.
Oui, je l’admets, je rentre bien (trop ?) souvent alcoolisée de fête à la coloc. Je vis mon Erasmus à retardement, les yeux brillants. Je festoie également pas mal avec ma petite bande de copains français. Notre team, sobrement baptisée “pinard et cahuète” me permet de recréer la famille rassurante qui peut parfois manquer quand la barrière de la langue se fait trop forte. Ce qui ne m’empêche pas d’être de plus en plus proche de mes deux colocataires, Maggie et Zuzanna.
Tous les jeudis soirs, nous partons toutes les trois le nez au vent danser la salsa. Évidemment, je marche sur les pieds de tous mes partenaires. Évidemment, je m’embrouille avec tous les machos du cours. Les garçons mènent la danse et donnent le rythme, ce qui a le don de m’agacer. Pourquoi pas moi? Aussi, Rachel, mon amie féministe de Birmingham, m’a suggéré un système de badge recto-verso coloré qui pourrait déterminer celui ou celle qui souhaite apprendre les pas du leader, histoire de faire tourner un peu. Pour le moment, l’idée ne semble pas vraiment convaincre mes partenaires, mais je ne désespère pas de mettre un jour en place ce système égalitaire… Et pourquoi pas prochainement aux Philippines!
Seul bémol: mon portefeuille, allègrement aminci après la visite de Camden Market.
En attendant le grand départ qui me mènera vers mon homme en Asie cet été, je profite à fond des paysages anglais: je suis partie en randonnée au pays de Galles avec quelques copains bien motivés. Entre chants italien/slovaque/polonais et français, les kilomètres dans les magnifiques paysages vallonnés ne se sont pas fait sentir, même si les coups de soleil ont achevé de me faire ressembler à un homard. Puis, une excursion londonienne de deux jours en fin de mois s’est définitivement chargée de me faire adorer ce pays et ses habitants si accueillants… Seul bémol: mon portefeuille, allègrement aminci après la visite de Camden Market, un gigantesque marché underground -mais néanmoins très touristique- situé à Camden Town, au nord de la capitale (c’est d’ailleurs dans ce quartier que vivait la sulfureuse et regrettée Amy Winehouse). Vêtements, bijoux vintage, cookies délicieux, posters rock’n’roll… ont tous atterri dans ma valise de retour.
Chaque belle chose ayant une fin, l’heure s’est chargée de me faire comprendre qu’il était temps de poser ma bière et de mettre les voiles direction la France. Je suis ainsi rentrée un dimanche, jour des résultats des élections européennes. Quelqu’un semble vraiment être de retour… Et là, bizarrement, j’ai bien l’impression qu’il ne s’agit pas de moi. Burp.
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