La journaliste Amélie Vasseur et la photographe Chloé Maynard, toutes deux âgées de 23 ans, sont allées tester le woofing au Portugal. Durant trois semaines, ces deux jeunes femmes nous racontent leur immersion dans une ferme autogérée. Part 2.
C’est en regardant mes mains pianoter sur l’ordinateur que je réalise que nous sommes ici depuis deux semaines. Elles sont hâlées par mes heures de travail au soleil, parfois un peu brûlées par mes allumages aléatoires de feux et griffées par toutes les mauvaises herbes arrachées.
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Cette semaine commence bien différemment de la précédente car la plupart des autres woofers sont partis. Désormais, nous ne sommes plus que trois voyageurs. La maison est plus calme, les tâches moins nombreuses mais plus répétitives. Nous nous occupons toujours des chèvres, de la cuisine et du jardin mais seules. Il n’est pas rare qu’un randonneur ait la chance de surprendre ma reprise de Beyoncé pendant que je cueille des fraises ou d’entendre Chloé insulter les chèvres récalcitrantes à son autorité.
© Chloé Maynard pour Cheek Magazine
Cette nouvelle organisation nous permet d’approfondir nos rapports avec la famille. Nous partageons leur vie et saisissons des bouts de leur histoire au détour d’une conversation. Nous comprenons que ce couple de punks allemands, retiré au Portugal depuis six ans, a activement défendu ses convictions en Allemagne. Les soirées se déroulent autour d’un feu où la guitare et la voix du troisième woofer accompagnent le crépitement. Nous nous couchons rarement après 22 heures car la fatigue nous tombe dessus sans prévenir.
Alors que nous venions d’arriver dans la ferme, un woofer nous expliquait que le temps passait ici différemment. Il avait raison.
Alors que nous venions d’arriver dans la ferme, un woofer nous expliquait que le temps passait ici différemment. C’est seulement deux semaines plus tard, alors qu’il ne nous reste plus que quelques jours dans cet endroit, que nous découvrons à quel point il avait raison. Nous avons le sentiment de connaître les moindres recoins de la maison et pourtant le temps défile si vite que nous avons l’impression d’être à peine arrivées. Nous nous sentons chez nous, et mon cœur se serre quand je pense au moment où nous allons devoir repartir. Au fil des jours, nous constatons, non sans fierté, que nos efforts portent leurs fruits. Les pousses que nous avons plantées grandissent déjà et la maison de terre est presque achevée. Nos gestes sont décidés et nous prenons des initiatives.
© Chloé Maynard pour Cheek Magazine
Nous décidons d’aller passer deux jours en ville, ce sera l’occasion de prendre une douche chaude, de voir du monde et de boire des coups. Sans parler des plages. De quoi faire un break avec la vie à la ferme. Nous prenons 20 euros chacune, en comptant notre nuit d’auberge, car notre budget est restreint. Ce sera notre challenge. Nous emportons des boîtes de conserve trouvées dans la cuisine et un reste de pâtes.
© Chloé Maynard pour Cheek Magazine
Sur le bord de la route, nous faisons du stop. Cinq minutes suffisent pour qu’une voiture s’arrête. Ce sont deux Espagnols qui nous conduisent jusqu’à la ville. À notre arrivée, ils nous proposent d’aller boire un verre. Nous rêvons d’une douche mais acceptons par politesse. Une bière suffit à nous faire tourner la tête: nos corps ne sont plus habitués à l’alcool. Le soir, nous sortons jusqu’à pas d’heure. Le lendemain, levées avec une gueule de bois, nous sautons dans la mer glacée pour nous remettre des excès de la veille.
© Chloé Maynard pour Cheek Magazine
Nous revenons à la ferme, bronzées mais pas reposées. Je me rends compte que l’endroit m’a manqué. Dans deux jours, un nouveau woofer fera son arrivée. Nous sommes ravies que la communauté s’agrandisse. Et nous rêvons de chocolat et de vêtements qui sentent la lessive.
Amélie Vasseur
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