Le petit monde des politiques les connaît bien, le grand public pas encore. Cheek part à la rencontre des femmes politiques de la nouvelle génération, qui seront peut-être les ministres de demain.
Fanélie Carrey-Conte a 34 ans et elle est déjà députée. Son siège dans l’hémicycle, la jeune femme le doit à l’entrée au gouvernement en 2012 de la titulaire George Pau-Langevin, qui a, comme la loi le prévoit, cédé sa place à sa suppléante à l’Assemblée nationale. Et la suppléante, c’est elle. Les deux femmes se connaissent grâce au 20ème arrondissement de Paris, où est élue depuis des années George Pau-Langevin, et où Fanélie Carrey-Conte a fait ses armes au sein du Parti socialiste, dont elle est devenue responsable de section dans l’arrondissement. “J’ai dû démissionner en un mois, donc j’ai ressenti une grosse pression face à cette nouvelle responsabilité, même si je savais déjà que c’était une immense chance.”
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“Les gens sont souvent étonnés quand j’arrive à un rendez-vous et que je me présente comme la députée.”
Face à des députés qui ont déjà exercé un ou plusieurs mandats locaux voire nationaux, la jeune femme entre dans l’arène politique directement par la grande porte en exerçant son premier mandat au Palais Bourbon. “C’est vrai que les gens sont souvent étonnés quand j’arrive à un rendez-vous et que je me présente comme la députée, confie-t-elle. Ils sont un peu circonspects au début, mais généralement ils oublient assez vite que je suis une jeune femme. Bien sûr, je dois plus que d’autres prouver que je dis des choses pertinentes et que je suis compétente. ” Aujourd’hui, la benjamine du groupe PS a bien pris possession de son poste, et après avoir planché sur la proposition de loi concernant les rapports entre mutuelles et professionnels de la santé, elle fait partie des cent députés qui viennent d’écrire à Manuel Valls pour dénoncer ses choix budgétaires. Elle s’est prêtée au jeu de l’interview “Future ministre”.
De quel président serais-tu ministre?
Je n’ai pas envie de donner un nom de personne et de rentrer dans le jeu de la personnalisation à outrance de la politique, si caractéristique de la Vème République où tout est focalisé autour du président. Je suivrais sans hésiter quelqu’un ou quelqu’une qui porte un projet de transformation sociale suscitant l’adhésion des citoyens.
“Les inégalités face aux soins sont les plus insupportables.”
Quel ministère aimerais-tu occuper?
Je suis actuellement membre de la commission des Affaires sociales, donc ces questions m’intéressent évidemment, et tout particulièrement les questions de santé. Les inégalités face aux soins sont les plus insupportables. Le ministère de la culture me plairait également: quand on est de gauche, c’est celui de l’émancipation. Enfin, je travaillais dans l’économie sociale et solidaire avant d’être députée, donc c’est aussi un ministère qui m’intéresserait. Il peut exister des entreprises dont l’objectif principal n’est pas le profit mais plutôt de développer un projet.
Quel est celui que tu n’occuperais jamais?
Un ministère sans moyens.
Pour quel ministre as-tu déjà travaillé?
Je n’ai jamais travaillé pour un ministre. En revanche, en tant que militante, j’ai eu l’occasion de beaucoup côtoyer George Pau-Langevin, qui est maintenant ministre des Outre-mer.
“Un mandat politique, ce n’est jamais pour toute la vie. On est là de façon provisoire.”
Si tu ne deviens jamais ministre, quel autre mandat aimerais-tu exercer?
J’ai déjà envie de bien faire celui-là, car le travail parlementaire est passionnant. C’est un beau défi car on a les moyens de peser sur le cours des choses et de transformer la vie des gens. Je sais que si George Pau-Langevin quitte le gouvernement, tout s’arrêtera du jour au lendemain, mais j’aurais pris ce qu’il y a à prendre. Et puis ça me rappelle qu’un mandat politique, ce n’est jamais pour toute la vie. On est là de façon provisoire.
Préconises-tu un âge minimum et un âge maximum pour être ministre?
Les limites d’âge ne sont pas forcément la solution pour encourager le renouvellement de la classe politique. Je trouve que le non-cumul des mandats dans le temps est une réponse car, quand on est élu trop longtemps, on perd le contact avec la vie quotidienne. Or, il n’a toujours pas été voté, alors qu’il est indissociable du non-cumul de fonctions parlementaires et exécutives locales. On n’aura fait qu’une partie du chemin si on ne vote pas ce deuxième volet.
“La parité est une condition nécessaire mais pas suffisante pour sortir du moule classique de l’homme blanc de 50 ans qui a fait l’ENA.”
Pour ou contre la parité en politique?
Pour. Grâce à la parité, on a progressé sur la place des femmes en politique. Ceci dit, c’est une condition nécessaire mais pas suffisante pour sortir du moule classique de l’homme blanc de 50 ans qui a fait l’ENA et qui reste majoritaire en politique. Notre ticket 100% féminin aux élections législatives nous a d’ailleurs valu quelques commentaires, mais on ne culpabilisait pas du tout de cette non-parité (rires). Le 20ème arrondissement de Paris est intéressant pour ça: le maire, les députées et la conseillère régionale y sont des femmes.
Si tu étais ministre, tu continuerais de tweeter toi-même?
Oui, car la communication politique est efficace quand elle est sincère, et j’aurais besoin de continuer à employer mes mots. Quand ils sont bien utilisés, les réseaux sociaux permettent de mieux rendre compte de l’action de l’élu. Mais ils ne remplacent pas l’interaction directe avec les gens: le porte-à-porte offre des discussions posées, où l’on peut mieux comprendre ce que vivent et veulent les citoyens.
Et tu posterais des selfies en conseil des ministres?
J’aurais peut-être d’autres sujets de préoccupation prioritaires.
Propos recueillis par Myriam Levain
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