Il y a un an, l’effondrement de l’usine textile du Rana Plaza a causé la mort de 1135 travailleurs. Pour ne pas oublier et sensibiliser le public à la façon dont sont fabriqués les vêtements, le Fashion Revolution Day lance le 24 avril le selfie utile. Samia Larouiche, alias WA (off), blogueuse de mode écoresponsable, nous en dit plus sur cette campagne dans une interview “À l’envers”.
Un an après l’effondrement de l’usine textile du Rana Plaza au Bangladesh qui a provoqué la mort de 1135 travailleurs, le Fashion Revolution Day souhaite interpeller l’industrie de la mode et les consommateurs. Le 24 avril, ce mouvement appelle à mettre ses vêtements à l’envers, à se prendre en photo et à publier son selfie militant sur les réseaux sociaux avec le hashtag “insideout”. Cette campagne lancée en Grande-Bretagne il y a huit mois par Carry Somers, créatrice de la marque Pachacuti, et relayée dans 50 pays, ambitionne de sensibiliser le grand public à la façon dont est confectionné le prêt-à-porter.
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En France, quatre jeunes femmes pionnières du monde de la mode green sont à la tête du mouvement. L’une d’entre elle, Isabelle Quéhé, fondatrice de l’Ethical Fashion Show, a fait appel à Samia Larouiche pour faire connaître l’évènement. Cette jeune femme de 32 ans, plus connue sous le nom de “WA (off)”, tient un blog sur lequel elle évoque l’industrie du textile, sa dimension fantasmée mais aussi ses aberrations. À l’occasion du Fashion Revolution Day, nous l’avons soumise à une interview “À l’envers”.
Ça t’arrive de mettre tes vêtements à l’envers?
Non, je n’ai jamais mis mes fringues à l’envers ou alors peut-être par inadvertance! Avec le Fashion Revolution Day, l’idée est de mettre ses habits à l’envers pour prendre le temps de lire les étiquettes et d’explorer un vêtement, mais aussi l’industrie du textile depuis l’intérieur. Et les étiquettes sont un bon moyen pour commencer à le faire.
Le selfie de WA (off)
Le Fashion Revolution Day, c’est une façon de montrer l’envers du décor?
Ce mouvement a été tristement impulsé par les évènements tragiques du Rana Plaza au Bangladesh. L’objectif est d’interpeller les médias, les pouvoirs publics et les marques sur leur responsabilité sans chercher à culpabiliser qui que ce soit. On veut amener les industries à être plus transparentes et à avoir une ligne de conduite et de production plus clean.
“Que se passe-t-il derrière une robe à paillettes à 10 euros qu’on aperçoit dans une vitrine? Comment a-t-elle été fabriquée et dans quelles conditions?”
Et puis, le mouvement met à la portée des consommateurs des informations qui ne sont pas spécialement visibles par manque de connaissance. C’est une façon de les interpeller sur la face cachée des industries du textile et de les inciter à se poser les bonnes questions: que se passe-t-il derrière une robe à paillettes à 10 euros qu’on aperçoit dans une vitrine? Comment a-t-elle été fabriquée et dans quelles conditions? Il s’agit de s’interroger sur l’impact de nos modes de consommation qui n’est pas neutre sur l’environnement, sur le respect du droit du travail et sur celui des droits de l’homme. En somme, sur l’héritage environnemental et l’héritage tout court qu’on laissera aux générations futures.
Ce mouvement va-t-il remettre les choses dans l’ordre?
C’est une démarche qui a pour fondement d’amener les gens à s’interroger sur ce qui se cache derrière les vêtements, leur fabrication et les petites mains qui les confectionnent. Ce qui amène à avoir une perception différente de l’industrie du textile, de la manière dont on consomme et de s’interroger sur nos préoccupations qui peuvent être égoïstes. Moi la première d’ailleurs! C’est bien de savoir que tout ça n’est pas sans impact sur l’environnement et les travailleurs.
D’habitude, le selfie est un procédé plutôt tourné vers soi. Ici, c’est le contraire, non?
C’est en effet un usage détourné du selfie, qui est à la base une pratique drôle et hypra-narcissique. Là, c’est tout l’inverse: on l’utilise non pas pour se mettre en valeur et faire du bien à son ego mais on l’inscrit au contraire dans une démarche empathique. On se prend en photo pour mettre l’autre en évidence parce que l’autre, même si on ne le voit pas, existe, fabrique et parfois même, il risque sa vie.
Comment arrives-tu à prendre le contrepied de la mode d’aujourd’hui qui va de plus en plus vite?
En ce moment, je monte avec des amis un projet qui s’appelle Shop My Closet, toujours dans cet esprit d’économie contributive et collaborative en temps de crise. On loue un magasin sur une durée limitée où chacun vient et vide son dressing pour donner une seconde vie aux vêtements et proposer de belles pièces à des prix abordables.
“On ne veut plus de ce système où l’on achète, consomme et produit de plus en plus vite.”
C’est une démarche de développement durable et également une façon de prendre le contrepied d’une économie de la mode de plus en plus effrénée. Ça permet aussi de drainer une activité, du passage dans les rues ou les magasins qui sont à l’agonie parce que c’est la crise.On ne veut plus de ce système où l’on achète, consomme et produit de plus en plus vite, on ne veut plus de drames à l’image de ce qui s’est passé dans l’usine du Rana Plaza.
Propos recueillis par Lara Sini
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