Le collectif lesbien Barbi(e)turix fête ses dix ans avec une exposition au Point éphémère dès le 10 avril et une soirée événement à la Machine du moulin rouge le 26 avril. Rencontre avec Rag, qui dirige l’association.
Créé il y a dix ans par une chargée de communication, une journaliste et deux graphistes, Barbi(e)turix fête une décennie d’activisme décomplexé. Le collectif lesbien, qui a commencé par éditer un fanzine avant de lancer ses propres soirées -la dernière en date, la Wet For Me, s’est installée à la Machine du moulin rouge à Paris-, est aussi présent sur Internet, où il défend une certaine idée de la culture féminine à travers des articles renouvelés plusieurs fois par jour. Défenseur de la mixité, ce groupe d’une quinzaine de bénévoles revendique une ouverture d’esprit et une modernité qui lui ont permis d’obtenir une visibilité au-delà de la communauté LGBT. Faire bouger les lignes, “bousculer les stéréotypes” est d’ailleurs une priorité selon Rag, 36 ans, à la tête de l’association. “Les gens se représentent la lesbienne à l’image de Josiane Balasko dans Gazon Maudit. Or, si cette lesbienne-là existe toujours, elle n’est pas représentative des lesbiennes d’aujourd’hui. En fait, il y a autant de lesbiennes qu’il y a de femmes”, explique-t-elle autour d’un café. À la veille du lancement d’une exposition au Point éphémère et à quelques semaines d’une Wet For Me événement, retour sur dix années de fête et de militantisme.
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Il y a dix ans, comment est né Barbi(e)turix?
L’idée de départ, c’était le fanzine. À l’époque, en presse lesbienne, il y avait Lesbia Magazine et La Dixième muse. Le premier s’apparentait un peu au Femme Actuelle lesbien et le second à un féminin classique. Il n’y avait pas de magazine un peu rock’n’roll pour les filles de la nouvelle génération. Les quatre fondatrices de Barbi(e)turix ont commencé par éditer un fanzine noir et blanc imprimé à la photocopieuse et distribué à la sauvette dans les bars. Comme il partait bien et qu’elles sentaient une réelle demande, elles ont voulu le sortir dans un format un peu plus grand avec un joli papier, et elles ont décidé de lancer des soirées pour le financer.
En dix ans, quelles sont vos plus grandes réussites?
Les soirées justement, qui ont tout de suite cartonné. Je suis très fière qu’on ait réussi à installer des rendez-vous où se côtoient musique pointue, mixité et girl power. Après être passées par la Flèche d’or et le Nouveau casino, elles ont lieu désormais à la Machine du moulin rouge, l’un des plus grands clubs de Paris. C’est la preuve que les filles ont désormais leur place dans ce monde-là. Les soirées dans les caves existent encore et heureusement, mais la visibilité, c’est important: il faut pousser les portes, bousculer les choses.
En dix ans, combien de fois avez-vous eu envie de jeter l’éponge?
Malgré les moments de découragement, on a toujours réussi à rebondir. Il y a un turn-over assez régulier dans l’équipe, elle se renouvelle au fil des ans. Tout cela se passe de manière très amicale. Aujourd’hui, on est une quinzaine de personnes au total, tous très polyvalents. Il y a parmi nous un garçon, une hétéro et une bisexuelle: on est modernes. Le garçon, il pense “gouine”, même si c’est un mec. On l’appelle “Le gouin”. (Rires.)
En dix ans, quelle soirée reste pour toi la plus marquante?
Une des soirées ClitoRise à la Flèche d’or m’a particulièrement marquée. La Dj a lâché les platines en plein milieu de son set parce que sa meuf était partie je ne sais où. Dans le même temps, une autre s’est embrouillée avec les videurs. Bref, il y a eu une accumulation de drames dans tous les sens. Sinon, je me souviens évidemment de celle que nous avons organisée l’année dernière, après l’adoption de la loi sur le mariage pour tous. Pour le coup, on avait vraiment quelque chose à fêter.
“Il y a, je crois, dans ce qu’on entreprend, une volonté de crier quelque chose et cela se voit dans nos créations. Ce côté revendicatif, c’est peut-être ce qui nous réunit.”
Après toutes ces années, est-ce que tu arrives à définir ce qu’est la culture lesbienne -si toutefois il y en a une?
Cette question fait débat. Certaines personnes affirment qu’il n’y a ni culture gay, ni culture lesbienne et que c’est hyper catégorisant de dire ce genre de choses. Je pense quand même qu’on a été une minorité dans la minorité et que, comme dans tout ghetto, des choses positives se créent. Il y a, je crois, dans ce qu’on entreprend, une volonté de crier quelque chose et cela se voit dans nos créations. Ce côté revendicatif, c’est peut-être ce qui nous réunit.
Comment Barbi(e)turix a évolué avec Internet et l’arrivée des réseaux sociaux?
On a toujours été très actives sur les réseaux sociaux, sans doute parce qu’il y avait une chargée de communication parmi les fondatrices du collectif. Du coup, on est très portées sur la communication, notamment visuelle. On a toujours vu les choses en grand, on veut en mettre plein la gueule, tout simplement pour être visibles. Pour notre expo au Point éphémère par exemple, on a fait imprimer une bâche de quatre mètres sur trois avec écrit dessus “Le collectif lesbien s’exhibe”. Elle sera accrochée sur la façade, tout le monde la verra. Par ailleurs, pour nos soirées, nous avons Radio Nova comme partenaire. C’est super de pouvoir placer le mot “lesbienne” sur une radio comme ça à une heure de grande écoute.
Il y a donc une vraie volonté de ne pas rester repliées sur vous-mêmes, mais tout en gardant quand même votre identité?
C’est sûr que nous avons des problèmes spécifiques, des problèmes de lesbiennes, comme la procréation médicalement assistée (PMA) dernièrement, qui devait être intégrée à la loi sur la famille et qui est passée à la trappe. En France, on est en retard sur beaucoup de choses. La PMA est déjà en place dans les pays nordiques ou en Belgique et franchement, est-ce que le monde s’est écroulé parce que les gouines peuvent y faire des enfants?
Dans dix ans, comment aimerais-tu que Barbi(e)turix fête ses vingt ans?
J’espère qu’on n’aura plus à défoncer autant de portes qu’aujourd’hui. J’espère qu’on pourra faire la fête tous ensemble et que, pour la soirée de nos 20 ans, plein de familles seront présentes. J’aimerais bien que mes enfants puissent venir à la Wet For Me. (Rires.)
Propos recueillis par Faustine Kopiejwski
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