Il y a eu le Tumblr et maintenant il y a le livre: Le bomeur, la vie du bobo chômeur. À l’origine de ce mot-valise, Nathanaël Rouas, 29 ans, qui revient ici sur le parcours du combattant d’un jeune chômeur qui essaie de rester cool. L’occasion de soumettre l’auteur à l’interview “Beautiful loser”, pour savoir comment il réagit face aux tracas du quotidien auxquels on finit tous, un jour ou l’autre, par être confronté.
S’il n’est pas entré dans le langage courant, ce mot-valise a déjà fait beaucoup parler de lui. Apparu en 2012, le terme “bomeur” est le résultat de la contraction de bobo et chômeur. Soit “un mec ou une meuf qui essaye de rester cool, socialement, même en étant au chômage”, précise Nathanaël Rouas, 29 ans, à l’origine du concept. À l’époque, le Tumblr du même nom avait fait beaucoup rire et réagir car pas mal de jeunes de la génération Y s’y étaient reconnus.
“Je peux arriver en short au bureau dès qu’il fait beau, les cheveux décoiffés et les yeux qui piquent de mes soirées de la veille sans qu’on me fasse de remarques.”
Aujourd’hui, tout est résumé dans cet ouvrage paru ces derniers jours et intitulé -très simplement- Le bomeur. “Le premier et dernier livre de Nathanaël Rouas” peut-on lire sur la couverture. Qu’il vaut mieux avoir lu pour en savoir davantage sur son auteur, qui se révèle assez taiseux quand il s’agit de parler de lui. Né en banlieue parisienne, Nathanaël Rouas s’est enquillé après le bac “une classe prépa Normale Sup puis Dauphine” avant de trouver très vite un job dans une agence de communication. Un parcours jusque-là sans faute. Rapidement, il grimpe les échelons et devient directeur de création.
“Mon taf est cool, écrit-il. Je débarque à 11 heures tous les matins à l’agence, je prends deux heures de pause déj, je rigole avec mes boss, mes collègues sont mes amis, ça déconne dans l’open space, ça boit des coups, et je peux arriver en short au bureau dès qu’il fait beau, les cheveux décoiffés et les yeux qui piquent de mes soirées de la veille sans qu’on me fasse de remarques.” En somme, le boulot rêvé d’un “petit con” qui finit en 2011 au chômage après la liquidation judiciaire de sa boîte qu’il n’a pas vraiment vu venir.
Nathanaël Rouas voulait savoir comment “un petit con qui essayait d’en mettre plein la vue avec son boulot à l’époque où il bossait, va faire pour s’en sortir d’un point de vue psychologique maintenant qu’il est au chômage”.
Si sa quiétude matérielle est assurée par une indemnisation conséquente de son nouvel employeur, Pôle Emploi, son statut social en revanche, lui, n’existe plus. Au bout de quatre mois, il invente alors le concept du “bomeur”. Ce qui intéressait Nathanaël Rouas, aujourd’hui à la tête de sa propre agence de com’, 5duMat, lancée il y a an, c’était de savoir comment “un petit con qui essayait d’en mettre plein la vue avec son boulot à l’époque où il bossait, va faire pour s’en sortir d’un point de vue psychologique maintenant qu’il est au chômage, comment il va tenir le choc”. D’autant que cette période d’inaction va durer un an et demi. “Il y a alors une dichotomie entre ce tu essayes de faire croire et l’image que les gens ont de toi”, explique Nathanaël Rouas. Facebook et Instagram ne facilitant pas la tâche: “On nous a expliqué qu’il fallait mettre des photos de nous en permanence, partout et tout le temps. Les gens postent des photos d’eux quand ils sont au top et du coup, on a l’impression que tout le monde a une vie extraordinaire et il faut surenchérir.” On vous laisse découvrir le reste dans ce livre qui, à défaut d’être de la grande littérature, a le mérite d’être drôle et de viser juste.
Nous avons donc une petite idée de ce que fait Nathanaël Rouas quand il perd son job mais comment réagit-il face aux tracas du quotidien auxquels on finit tous, un jour ou l’autre, par être confronté? Pour le savoir, nous l’avons soumis à une interview “Beautiful loser”.
Comment fais-tu pour ne pas perdre la face quand tu te casses la gueule dans la rue?
Je fais semblant de me faire très, mais très très mal. Les gens rigolent beaucoup moins quand ils pensent que tu t’es cassé un truc.
Tu conseillerais quoi aux gens qui se font virer de boîte?
Une fois, je me suis fait virer de boîte parce que j’avais fumé une clope. Je trouvais ça abusé quand tu sais qu’il y en a qui tapent de la coke ou prennent de la MDMA dans les toilettes mais bon… Quand tu te fais virer d’une boîte, tu peux difficilement conserver ta dignité mais il faut accepter de partir la tête haute, genre “t’es un peu un rebelle et c’est pour ça que tu te fais jeter”.
Quand tu te fais baser par une fille sur le chat Facebook, tu t’en sors comment?
C’est impossible de s’en sortir! Au mieux, j’essaie de balancer une vanne et puis ça passe. De toute façon, c’est plus simple de se prendre un vent sur Internet, quand tu es derrière ton écran, plutôt que dans la vraie vie.
Quelle stratégie adoptes-tu quand tu n’as plus de clopes le dimanche soir?
C’est compliqué! C’est le genre de truc qui peut te rendre fou. Ça m’arrive d’aller au bar en bas de chez moi pour acheter un paquet à 9 euros. T’as l’impression d’acheter des clopes en or. Tu essaies toujours de négocier un peu mais, le mec derrière le bar, c’est lui qui a le pouvoir à ce moment-là. Il pourrait même te le vendre 12 euros, tu n’aurais pas d’autre choix que de le prendre quand même.
Et quand tu n’as plus de papier toilette un mardi soir à 23h?
J’ai une petite épicerie en bas de chez moi qui me sauve pour ce genre d’urgence. D’ailleurs, le mec doit croire que je n’achète que du PQ dans la vie. Et du Coca aussi. Ce sont les deux seules choses qu’il me voit acheter depuis cinq ans que j’habite là.
Tu t’en sors comment quand tu as un chewing-gum collé à ta semelle?
Je me vénère comme tout le monde et je dis un truc du genre “OH PUTAIN DE MERDE”.
Quand tu ne retrouves plus ton AUTRE chaussette?
La plupart de mes chaussettes sont des chaussettes noires, donc je prends celle qui me tombe sous la main, ça me facilite la tâche.
Une technique pour éviter la lose du dimanche soir?
J’en parle dans le livre justement… Je n’en ai pas, même si la fin du dimanche après-midi m’angoisse… Pendant un moment, j’avais un pote de “bad du dimanche soir”, on chattait ensemble sur Facebook: savoir qu’on était deux dans la même merde avait un côté réconfortant.
Comment tu rattrapes le coup quand tu te trompes de destinataire pour un texto?
En fait, j’ai déjà pensé à faire semblant de m’être trompé. C’est vraiment une technique foireuse mais j’ai déjà été tenté de le faire avec une ex, ça peut être une façon de renouer… Je me vois déjà dire à la fille: “Ah ouais pardon, je voulais envoyer un texto à Stéphane et j’ai mis Stéphanie…”
Propos recueillis par Julia Tissier