Alors que le désir féminin demeure un domaine sibyllin car finalement peu exploré et questionné, Serge Moati et Tina Glibotic y consacrent un documentaire diffusé ce soir sur France 5. On en a retenu trois enseignements.
Le désir féminin est encore énigmatique. Rien d’étonnant quand on sait à quel point le clitoris fut snobé jusqu’à récemment et que la femme s’est contentée durant des siècles d’être un objet de désir sans jamais pouvoir en être actrice. Dans ce documentaire intitulé simplement -mais efficacement- Le désir féminin, diffusé ce soir à 20h35 sur France 5, Serge Moati part, à la façon d’un détective, à la rencontre de femmes de toutes les générations afin d’essayer de cerner ce qui, par essence, reste impénétrable: le désir des femmes. On y apprend trois choses.
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1. Le désir féminin est indéfinissable
De définition, il n’existe pas. Ce serait trop simple. Et puis si l’on se risquait à poser la question de ce qu’est le désir féminin à un million de femmes, il y aurait sans doute autant de réponses que d’interviewées. Dans le documentaire, Serge Moati demande à Nelly, étudiante de 22 ans, quelles doivent être les qualités d’un homme pour susciter son désir. Elle répond: “Il faut qu’il ait ce côté unique, qu’il attire ma curiosité, qu’il m’apporte quelque chose de nouveau.” De son côté, une autre interlocutrice, Dunia, écrivaine, assure qu’elle “ne supporte pas qu’on ait des actes de tendresse quand on a un rapport sexuel avec {elle}”. Impossible donc de savoir comment vient le désir, pourquoi cet homme-ci le provoque et pourquoi celui-là le laisse sans effet.
2. Le désir féminin a mis du temps à s’assumer (et il reste du boulot)
Celles qui franchissent la porte du sex-shop parisien de Delphine “en parlent très simplement”, assure la gérante de l’endroit. Sauf qu’il n’en a pas toujours été ainsi. “Les femmes doivent être désirables mais si vous en faites des désirantes, c’est une autre histoire”, s’exclame la gynécologue Odile Buisson, qui fut la première à réaliser des échographies du clitoris pour mieux connaître son fonctionnement. Aujourd’hui, “les femmes ont une vie sexuelle plus diversifiée, renchérit Nathalie Bajos, sociologue et co-auteure d’une excellente enquête sur la sexualité des Français, elles ont plus de partenaires, des pratiques sexuelles plus diverses et une vie sexuelle plus longue aussi.” N’empêche, c’est encore “mal connoté, une femme qui va vers un homme”, tempère Elisa Brune, auteure et artiste-peintre. “Il faut plusieurs années pour qu’un conditionnement disparaisse.”
3. Le désir féminin peut évidemment être déconnecté des sentiments amoureux
Il subsiste encore l’idée (évidemment fausse) selon laquelle la femme ne fait l’amour qu’amoureuse. Elisa Brune parle d’un “conflit entre le coeur et le corps” et affirme que les femmes -tout comme les hommes- “peuvent avoir une sexualité explosive avec quelqu’un qui n’est pas du tout leur tasse de thé” et vice versa. Nelly, étudiante de 22 ans, le dit clairement: “Ce n’est pas parce qu’on désire quelqu’un qu’on l’aime forcément”. Et de conclure que “c’est plus facile pour les garçons” qui passent pour des Don Juan alors que les filles, elles, passent vite pour des “putes”. Et si, pour finir, il fallait ne retenir qu’une seule phrase de ce 52 minutes, on choisirait celle-ci, prononcée par Michelle, 74 ans, qui, on imagine, sait de quoi elle parle: “Le désir, c’est ce qui fait vivre.”
Julia Tissier
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