Le texto

S’il y a bien un constat que j’ai pu faire au fil de ma courte vie, c’est que nous ne sommes pas égaux devant les textos. Plus j’en parle avec Sonia (et bien d’autres personnes, car c’est un sujet sur lequel tout le monde a un avis) et plus l’évidence s’impose. D’un côté, il y a la team des experts du SMS, des magiciens du texto, des virtuoses du message instantané. De l’autre, il y a beaucoup de bras cassés comme moi qui ne savent jamais quand écrire, quoi répondre, quel ton adopter.

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Je parle du texto dans sa fonction la plus pure et la plus indispensable: le texto de drague, celui qui va nous aider à choper, ou au contraire nous précipiter vers l’échec.

Évidemment, je ne parle pas ici des échanges d’informations avec ma boss ni de la confirmation du déjeuner dominical avec mes parents. Je parle du texto dans sa fonction la plus pure et la plus indispensable: le texto de drague, celui qui va nous aider à choper, ou au contraire nous précipiter vers l’échec. Après avoir longuement enquêté autour de moi pour essayer de m’améliorer dans ce domaine, j’ai établi une liste de 8 profils-types avec qui on a tous déjà échangé au moins une fois par écrit.

La romancière frustrée

Elle a fait du texto une discipline littéraire, qui lui aurait valu un 20/20 si elle avait pu la passer au bac. Il lui arrive de faire un plan en trois parties de ce qu’elle veut dire, de l’écrire une première fois au brouillon pour être sûre que son texto fonctionne, avant de se lancer pour de bon. Avant les smartphones, la moitié de son salaire passait dans ses SMS, car respecter les 160 signes n’a jamais fait partie de ses objectifs de vie.

Son atout: recevoir un SMS de sa part nous donne l’impression d’avoir l’exclu d’un futur best-seller.

Sa faille: recevoir un SMS de sa part est quelque peu inhibant et nous pousse à répondre par un simple “OK” ou à ne pas répondre du tout.

Le pseudo-stratège

Pour lui, le couple est un rapport de force permanent qui commence au premier texto du premier rencard. Son mantra: ne jamais envoyer le premier SMS. Hors de question de se laisser aller à un quelconque élan qui risquerait de trahir ses intentions ou, pire, qui l’encouragerait à faire le premier pas. Il croit dur comme fer à la règle des trois jours et attend TOUJOURS que l’autre dégaine d’abord. Déroger à cette règle équivaudrait à passer sous une échelle ou casser un miroir, bref à provoquer lui-même un mauvais karma.

Son atout: quand ça marche, il mène complètement la danse des textos.

Sa faille: quand ça ne marche pas, il ne revoit jamais la personne sur laquelle il avait pourtant flashé.

Elle ne peut s’empêcher d’appuyer sur la touche “envoyer” au bout de trois lignes et nous bombarde littéralement.

La messagère compulsive

Personne n’a jamais reçu un texto unique de sa part. On sait que c’est elle qui écrit quand notre icône SMS est accompagnée d’un chiffre supérieur à trois. Elle pourrait adopter la technique de la romancière frustrée ou de ma mère qui consiste à envoyer un seul message fleuve, mais elle ne peut s’empêcher d’appuyer sur la touche “envoyer” au bout de trois lignes et nous bombarde littéralement. Seuls les chanceux qui l’ont sur WhatsApp ont réussi à neutraliser cette terroriste du SMS.

Son atout: elle n’a eu d’autre choix que de devenir multitâche, étant en permanence scotchée à son écran.

Sa faille: elle s’est fait bloquer par la moitié de ses contacts.

L’autiste

Il a résolu toute angoisse métaphysique relative à l’attente d’un texto en adoptant une technique égoïste mais pour le moins radicale. Il ne répond JAMAIS. Son historique de messages est d’ailleurs éloquent: il s’agit d’une succession de textos de ses interlocuteurs qui, parfois, s’achèvent sur des insultes. En cas d’invitation à un rencard, il a deux options. S’il n’est pas dispo, il estime que son interlocutrice le déduira de son silence. S’il est dispo, il l’appelle seulement un quart d’heure avant pour savoir où la retrouver.

Son atout: sa technique permet de faire le tri entre celles qui sont vraiment motivées (qui attendent son appel jusqu’au dernier quart d’heure) et les autres.

Sa faille: il est à l’origine de nombreux cas de dépression dite de “l’obsession de l’écran”, qui consiste à observer sans discontinuer son téléphone en espérant que cela provoquera un SMS de sa part. Sans succès.

Ses textos nocturnes entraînent immanquablement un texto du lendemain, que l’on peut résumer par “Désolée, j’étais bourrée”.

L’adepte du texto éthylique

En temps normal, elle est une messagère lambda, qui n’en fait ni trop, ni trop peu en matière de SMS. Mais un verre de trop, et son clavier dérape immédiatement. Son sex-friend, son ex, sa target, tout le monde y passe, et elle n’a plus aucune limite. Pour elle, le texto devient alors une sorte de ticket magique vers un monde merveilleux où tout deviendrait possible à condition de l’avoir exprimé par écrit. 

Son atout: elle arrive parfois à débloquer des situations très compliquées, car elle n’a plus aucun tabou.

Sa faille: ses textos nocturnes entraînent immanquablement un texto du lendemain, que l’on peut résumer par “Désolée, j’étais bourrée”.

L’experte du conf-call

En voilà une qui aurait mieux fait de naître dans les années 50, tant elle ne sait pas gérer le texto. Un SMS reçu, et sa liste de BFF est immédiatement dans la boucle pour l’aider à concocter la réponse idéale. En général, elle s’est arrangée pour avoir une romancière frustrée et une messagère compulsive dans la dream team. Au bout de plusieurs heures de brainstorming -et d’un épuisement physique et psychologique de ses copines- elle dégaine fièrement sa réponse. S’ensuit une phase encore plus pénible pour lesdites copines: l’attente du texto suivant. S’il n’arrive pas dans les cinq minutes, les copines passent en mode avion pour éviter tout harcèlement et conclusions définitives du style: “Je savais que c’était un sale con.”

Son atout: elle ne verse jamais dans le texto alcoolisé.

Sa faille: elle a développé une relation amour/haine avec son téléphone.

Il fait une faute à chaque mot et part à chaque fois la fleur au fusil dans un échange écrit qui nous rappelle nos pires moments de dictées foirées.

Le sous-doué de l’orthographe

Le SMS aurait dû être sa pire angoisse, un obstacle qu’il ferait absolument tout pour éviter, quelles que soient les circonstances. Mais non, il fait une faute à chaque mot et part à chaque fois la fleur au fusil dans un échange écrit qui nous rappelle nos pires moments de dictées foirées et rendent le déchiffrage de ses intentions toujours particulièrement laborieux. Généralement, il est aussi adepte des smileys à profusion, qui pourraient être honnis chez d’autres interlocuteurs, mais qui, dans son cas, offrent des respirations dans la lecture.

Son atout: sa spontanéité, que l’on pourrait même qualifier de fraîcheur.

Sa faille: on a envie de lui retourner son message en ayant souligné en rouge les trois-quarts des mots.

Romy Idol