À 32 ans, Maud Ferrer, directrice du théâtre parisien Aktéon, initie des élèves acteurs aux joies des planches et tente de rajeunir le public des salles.
À 32 ans, Maud Ferrer est déjà propriétaire et directrice d’un petit théâtre: l’Aktéon, sis dans le 11ème arrondissement de Paris. Également professeure de théâtre au Cours Florent, elle remonte d’ailleurs sur sa propre scène début février dans le rôle d’Elmire pour trente représentations de Tartuffe. Maud Ferrer tente d’attirer les jeunes sur les planches et dans les salles, l’occasion de la soumettre à une interview “Les jeunes et le théâtre”.
Jeune, tu te voyais déjà à la tête d’un théâtre?
Non, quand j’étais petite, je voulais être vétérinaire. Puis, au lycée, j’ai voulu être prof de lettres. À 16 ans, le frère d’une copine qui donnait des cours de théâtre dans une MJC m’a fait participer à son spectacle. C’était L’Atelier, de Jean-Claude Grumberg, je m’en souviens encore. Arrivant en cours d’année, tous les rôles étant déjà distribués, il n’y en avait plus pour moi. On m’a confié des textes que je devais dire entre les scènes. Il y en avait un d’Elie Wiesel, magnifique. J’ai su à ce moment-là où je voulais être plus tard: sur scène! Je voulais rester dans cet état: cette manière d’être transportée par la beauté des textes, le bonheur de pouvoir les faire entendre et l’oubli de soi dans une décharge d’adrénaline. Je suis sortie de scène tremblante, mais je savais. Lorsque j’étais étudiante au Cours Florent, on déconnait avec un ami et je disais: “À 30 ans, j’aurai un théâtre”. Ça n’a pas loupé.
Pourquoi, selon toi, le théâtre n’attire t-il pas davantage de jeunes?
Certes, les seniors s’abonnent davantage que les jeunes, mais nous avons quand même beaucoup de trentenaires qui viennent découvrir nos spectacles. Sans compter les étudiants qui viennent grossir nos bancs.
Tes élèves, comment envisagent-ils leur futur métier?
Je vois une différence entre l’étudiante que j’étais et les étudiants d’aujourd’hui. Au début de leur scolarité, ils ne sont pas fichus de citer la dernière pièce qu’ils ont vue. Ce n’est pas inné pour eux d’aller au théâtre. Ils s’en font une fausse idée et s’imaginent quelque chose de vieillot, c’est une génération très télé, très star. Le premier jour, ils disent vouloir devenir acteurs de cinéma. Ils pensent d’abord au tapis rouge. Mais en juin, à la fin de l’année, ils auront, pour la plupart, changé d’avis. J’ai l’impression qu’ils n’ont pas les mêmes exigences que celles que nous avions il y a dix ans. Quand on va sur le plateau, il doit y avoir une émotion particulière. Ce n’est pas un acte léger. On monte sur scène pour dire des choses. C’est de la rigueur, de la sueur, des rires et des larmes.
Comment rajeunir le public du théâtre?
Mon rôle et mon objectif, c’est d’élargir le public. Mon ambition c’est de faire venir davantage de scolaires. C’est très important de leur faire découvrir cet univers le plus tôt possible. De les éveiller, de leur donner le goût du théâtre pour qu’ils aient un jour l’envie d’y revenir. Et puis aussi, de leur montrer que l’on peut s’amuser avec Molière et des pièces dites classiques. À l’issue du spectacle, nous faisons se rencontrer les collégiens ou les lycéens avec la troupe. C’est tellement jouissif quand, à la fin d’un spectacle, un jeune vient te voir en te disant merci. Ou bien quand ces jeunes me posent des questions pertinentes, demandent des autographes et se prennent au jeu du théâtre.
Tu t’adresses aussi aux enfants, n’est-ce pas?
Nous sommes connus pour notre programmation jeune public. Nous proposons quatre pièces pour enfants. Pour ce type de spectacle, pendant les vacances scolaires, nous sommes complets à chaque représentation. Ce genre offre bien plus de possibles, en termes de décors, d’imagination, avec des contes musicaux, des marionnettes. Mais c’est en même temps très compliqué de s’adresser à un jeune public. Il ne pardonne pas. S’il trouve le temps long, il le montre. Si les enfants décrochent, c’est tout de suite le bazar, eux ne peuvent pas s’ennuyer en silence comme le font les adultes. C’est un public plus dur mais surtout plus vrai.
Propos recueillis par Céline Hussonnois Alaya