Laura Slimani est la nouvelle présidente des Jeunes socialistes, mais aussi une militante féministe convaincue. Elle répond à nos questions sur les femmes et la politique.
Au mois de novembre dernier, Laura Slimani a succédé à Thierry Marchal-Beck à la tête du Mouvement des jeunes socialistes (MJS). À 24 ans, la jeune femme se réjouit d’entamer un mandat sous une présidence de gauche. “Il y a beaucoup de campagnes dans les deux années qui viennent, donc ça promet d’être intéressant”, sourit-elle. Si l’Europe et la jeunesse sont au cœur de son combat, Laura Slimani reste avant tout une féministe convaincue, bien décidée à faire avancer l’égalité des sexes dans tous les domaines. Interview.
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Ton coming out féministe, c’était quand?
Vers 14 ans, quand j’ai lu Le Deuxième sexe, de Simone de Beauvoir. Je l’avais piqué dans la bibliothèque de mes parents, et ce n’était pas une lecture facile, mais j’ai trouvé ça passionnant. J’ai compris à ce moment-là ce qu’était la construction du genre, moi qui avais été élevée exactement comme mes frères. Ce qu’elle écrit sur l’instruction des filles et la sexualité est encore terriblement d’actualité. Je me suis mise à militer un peu plus tard, quand j’étais étudiante à Sciences Po Bordeaux, et mon engagement féministe ne m’a jamais quittée.
Être féministe quand on fait de la politique, n’est-ce pas être un peu maso?
Non, au contraire, c’est avoir de l’espérance et être optimiste, car on ne peut que progresser (Rires)! Il y a beaucoup d’archaïsmes dans tous les partis, mais il existe une forme de solidarité entre les femmes en politique car elles savent ce qu’elles partagent et ce n’est pas facile.
Les quotas, est-ce que tu es pour ou contre?
Je suis pour, que ce soit en politique, dans les conseils d’administration, les fédérations sportives. Seules les règles fortes permettent de combattre les stéréotypes ancrés en chacun d’entre nous. Je soutiens d’ailleurs à 100% le projet de loi sur l’égalité femmes-hommes de Najat Vallaud-Belkacem. La parité est un outil, on ne peut pas demander aux femmes de se projeter dans des responsabilités si elles n’ont pas de représentations ni de “role models”.
“Bien sûr, certaines femmes de droite ont un comportement féministe, mais leurs partis ne le sont pas et ne se sont jamais positionnés en faveur des femmes.”
Féminisme et socialisme, c’est une grande histoire d’amour?
Ces deux engagements sont indissociables, et les socialistes sont forcément féministes, même sans le savoir. Être socialiste, c’est être pour l’égalité et contre les déterminismes, être féministe aussi.
On ne peut donc pas être féministe de droite?
C’est peut-être mon côté sectaire mais je ne pense pas. Bien sûr, certaines femmes de droite ont un comportement féministe, mais leurs partis ne le sont pas et ne se sont jamais positionnés en faveur des femmes. C’était déjà le cas en 1974 en France lors du vote de la loi sur l’IVG, et en ce moment, l’Espagne nous montre à nouveau que c’est la droite qui fait reculer les droits des femmes.
La première dame, on en fait quoi?
Je crois qu’on ne peut pas rester dans l’ambiguïté qui est la nôtre actuellement: soit on imite le modèle américain et la famille du président est institutionnalisée, publique, et il faut être prêt à rendre des comptes sur tout. Soit on s’inspire de l’Allemagne, où le mari d’Angela Merkel n’a aucun statut particulier et ce qui le concerne relève exclusivement de sa vie privée. Comme les présidents ont toujours été des hommes en France, on ne s’est jamais posé la question de revenir sur cet archaïsme, et on se satisfait de voir une femme dans cette position. La gauche pourrait moderniser ce statut.
Une femme chef, c’est mieux pour les Jeunes socialistes?
Je ne sais pas si c’est mieux mais c’est différent. Pas parce que je suis naturellement différente, mais parce que je n’ai pas eu exactement la même éducation. En ce qui me concerne, je suis plutôt à l’écoute, car je sais que je ne peux pas maîtriser tous les sujets, donc parfois, les conseils sont les bienvenus. Mais je sais aussi m’affirmer et prendre une décision quand il le faut.
“Il y a une grosse prise de conscience en matière d’égalité femmes-hommes, et aujourd’hui, de nombreuses femmes occupent des postes à responsabilités.”
Quels sont tes “role models”?
En politique, je dirais Cécile Duflot: j’ai toujours été sensible au fait qu’elle avait réussi à prendre la tête d’un parti tout en élevant quatre enfants. Surtout, elle apporte quelque chose de nouveau à la façon de faire de la politique. Christiane Taubira est aussi une figure inspirante. J’aime la façon dont toutes deux vivent leur féminité en politique: elles n’en font pas un argument mais ne nient pas qu’elles sont des femmes.
Un moment de solitude face à un gros macho?
Il n’y a pas longtemps, j’étais en pleine réunion avec des responsables du Parti socialiste quand l’un d’eux s’est levé pour aller fumer une cigarette. En passant à côté de moi, il m’a donné une petite tape sur la joue, en signe d’affection je crois, et je suis restée interloquée. Il y a un sentiment de toute-puissance qui conduit certains hommes politiques à se permettre ce genre de choses.
La jeune génération de politiques est-elle moins misogyne?
Oui, je crois. Il y a une grosse prise de conscience en matière d’égalité femmes-hommes et aujourd’hui, de nombreuses femmes occupent des postes à responsabilités. Les idées féministes progressent, car il y a désormais un sentiment d’obligation. On peut toujours faire plus pour l’égalité, y compris dans notre mouvement.
Propos recueillis par Myriam Levain
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