Lettre à toi, chère Capote

Cher préservatif,

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Puis-je, pour commencer, t’appeler “Capote”? Ce sera plus familier. On s’est côtoyés de près, alors brisons la glace. Aujourd’hui je te dis tout et ne crois pas que je vais te préserver. Toi, le grand oublié d’un tiers des jeunes Français, tu ne fais pas l’unanimité. Mais pourquoi te boude-t-on à tort et sans (bonnes) raisons? Si tu fais ta star depuis 25 ans dans des campagnes de sensibilisation, quand il s’agit de jouer le premier rôle dans une chambre d’étudiant, tu restes trop souvent au fond du tiroir malgré ton bel emballage. Je vois bien que parfois tu te sens de trop et qu’entre deux corps gonflés par le désir, tu as du mal à te faufiler à l’instant T. Pourtant, on n’a pas (encore) inventé mieux pour se protéger du trio “Sida, IST et  grossesse non désirée”. En moins d’une minute, te voila enfilé, prêt à barrer la route aux pires saletés et aux spermatozoïdes à peine lancés dans un sprint effrené. Et ne t’avise pas de craquer au moindre coup de rein passionné, tu risquerais de mettre en danger ceux et celles qui te font confiance, les yeux fermés.

Et vient l’instant où l’on se dit à l’unisson “Putain, merde, qu’est-ce qu’on est cons!”. Sauf qu’il est trop tard pour te pleurer, Capote adorée.

Je sais bien que tu fais des efforts pour apporter un brin de folie à ton latex franchement pas “sex”. Mais en dépit des textures perlées, marketées dans des déclinaisons “olé olé”, tu freines certains couples d’un soir qui, alcoolisés, inconscients ou gênés, n’aspirent qu’à une chose: un peau contre peau sans pause capote à la clé. Bien évidemment, quand fane la jouissance finale, tu manques cruellement. Et vient l’instant où l’on se dit à l’unisson “Putain, merde, qu’est-ce qu’on est con!”. Sauf qu’il est trop tard pour te pleurer, Capote adorée. Le risque s’est faufilé sans filtre à l’entrée.

Alors, on croise les doigts et on se dit, comme 32% des 16-24 ans -selon une étude Ifop pour Sidaction-, qu’on a “moins de chance d’être contaminé que les autres”. Et puis, franchement, ce n’est pas bien compliqué de repérer ce virus mal intentionné. Après tout, “on peut savoir si une personne est porteuse du Sida, simplement en la regardant attentivement”. C’est en tout cas ce qu’estiment 12% des moins de 24 ans dans cette même étude. Et 12%, c’est deux fois plus qu’en 2007 et c’est surtout beaucoup trop. Non, on ne peut pas savoir si Paul a le Sida juste en l’observant. Et Paul ne le sait peut-être pas lui-même. Comme 30 000 à 50 000 personnes en France, il peut, sans le savoir, mettre en danger ses partenaires. Une triste vérité illustrée dans le dernier spot réalisé par l’association Aides dont toi, capote, tu es le héros absent.

Car, malgré la gifle que se sont pris nos aînés au moment où le Sida s’est propagé, en dépit des messages martelés à la télévision et dans les festivals d’été, notre cerveau de jeune décérébré n’a pas fait de toi un réflexe immédiat.

Mais que sait-on de toi et des risques encourus si on ne t’enfile pas? Pas grand chose en fait. Car, malgré la gifle que se sont pris nos aînés au moment où le Sida s’est propagé, en dépit des messages martelés à la télévision et dans les festivals d’été, notre cerveau de jeune décérébré n’a pas fait de toi un réflexe immédiat. Mais enfin, dites-lui pourquoi vous ne l’aimez pas! Et ne vous cachez pas derrière de fausses excuses, on ne vous jugera pas.

La capote n’est pas susceptible, elle veut juste trouver les mots (et la texture) qu’il faut pour devenir essentielle à vos ébats sans pour autant gâcher vos émois. Elle est même prête à dérouler son latex devant vos yeux ébahis en cours de chimie, à sentir la fraise, à s’illuminer dans la nuit, à se déplier tel un origami. Bref, Capote, tu n’as pas besoin d’une VRP mais peut-être qu’il serait bon qu’en France, on arrive à parler de toi plus simplement. Peut-être qu’il serait malin de t’inclure dans notre éducation sexuelle sans faire de toi la barrière à nos jouissances personnelles. Et si nous donnons l’impression d’en savoir des caisses sur le sexe, quand il s’agit de regarder sous nos draps, les choses ne sont pas si claires que ça. Tant est si bien que certains ne sont pas capables de dater leur dernier dépistage.

En 2012, 6100 personnes ont découvert leur séropositivité. Hommes et femmes. Homos et hétéros. Jeunes et moins jeunes.

Aujourd’hui, on peut être rassuré ou bien orienté en se faisant piquer le bout du doigt. Et même la prise de sang ne fait pas si mal que ça. Alors, évitons de prendre des risques quand, autour de nous, tout est fait pour stopper la propagation du Sida et des infections sexuellement transmissibles (IST). En 2012, 6100 personnes ont découvert leur séropositivité. Hommes et femmes. Homos et hétéros. Jeunes et moins jeunes. Tout le monde est concerné. Même toi, penché sur ton clavier. Et, parce que les solutions ne sont pas juste dans la prévention, j’ai une bonne nouvelle pour toi, Capote. La fondation de Bill Gates a sélectionné 11 projets parmi des dizaines envoyés. Des projets novateurs qu’elle subventionnera à hauteur de 100 000 euros et plus si affinités. Objectif: créer le préservatif de demain, celui qui n’altèrera pas les plaisirs tout en étant efficace et résistant. Bref, tu vois, on parie sur toi.

À la veille de la journée mondiale contre le Sida, nous encourageons Francois Hollande à tenir ses engagements pris en 2012 à Washington. À savoir, l’affectation d’une part substantielle de la future taxe europénne sur les transactions financières à la lutte contre le Sida (10% de cette taxe suffirait à lever le milliard annuel dont le Fonds mondial a besoin). Et à notre échelle, plus courte mais pas moins importante, nous jurons sur le Kamasutra que jamais, ô grand jamais nous ne laisserons la gêne, la confiance aveugle, les jugements faussés, les soirées trop arrosées, les plaisirs un poil diminués, la peur de dialoguer, le sentiment d’invulnérabilité et le manque de maturité nous empêcher d’utiliser l’unique barrière à la propagation du Sida et des IST. Sans oublier les grossesses non désirées. Ce serait trop bête de tout faire capoter.