Le rendez-vous annuel des cinématographies déviantes à Paris s’ouvrait cette année avec le dernier film de Xavier Gens, The Divide, et un survival sanglant très polémique, The Woman.
La 17e édition de l’Etrange festival de Paris s’est ouverte vendredi sur une séance assez surréaliste : The Divide de Xavier Gens, introduit par un discours du parrain Jean-Pierre Mocky. Une parfaite association, qui réunissait deux francs-tireurs d’un cinéma « condamné » à l’indépendance par un système de studio (Mocky parlera, as usual, de « censure économique »), mais qui continuent à tourner, vaille que vaille, la passion en bandoulière (cet argument bien commode). C’est la même rengaine à chaque film de Xavier Gens : des pressions exercées par les majors (Hitman), des problèmes de production (Frontières) – une malédiction, en somme.
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Pour The Divide, le destin s’est manifesté sous la forme d’une société de production indélicate, démissionnaire quelques jours avant le début du tournage, car « effrayée par le contenu du film » dira, en substance, le réalisateur. C’est donc un objet totalement indépendant qui était projeté en ouverture de l’Etrange festival, mais surtout totalement raté. Un mélange assez détonnant sur le papier de post-apo entre quatre murs, où Xavier Gens filme le déclin psychologique de quelques survivants d’une guerre nucléaire contraints de vivre reclus dans un garage. Programme bien connu (l’homme, confronté à l’impératif de survie, est un salaud égoïste), dont Xavier Gens reproduit sans inspiration tous les stéréotypes.
http://youtu.be/LJCxT2d5hzk
L’auteur de Frontières a certes un petit talent dans l’exercice du shocker (une montée de tension finale plutôt réjouissante), mais il reste très maladroit dans sa tentative d’étude de caractère trash, dans ces séquences de théâtre grand guignol où les masques de civilité tombent avec fracas (ce personnage d’intello reconverti violeur compulsif). Il ne s’agit plus d’un problème de budget dans ces moments de terreurs psychologiques en huis clos, mais simplement d’écriture – ce qui faisait, inversement, la force du Maléfique d’Eric Valette.
The Woman vs les hommes
Après ce faux départ (néanmoins acclamé par les fanboys), l’Etrange Festival dévoilait l’un de ses films les plus attendus (décalé en deuxième partie de soirée) : le scandaleux The Woman. Précédé d’une réputation sulfureuse après une première projection au festival de Sundance (où il a été accusé de misogynie, entre autres forfaits), le film devait marquer le retour, après quelques projets abandonnés ou maudits (Red), de l’un des plus brillants espoirs de l’horreur des 2000’s : Lucky McKee, découvert avec May, variation teen du mythe de Frankenstein. Et l’on retrouve, parfois, la grâce de ce premier essai dans The Woman : un survival sanglant où un quadra bourgeois tyrannise les femmes de sa famille, avant de s’en prendre à une enfant sauvage qu’il souhaite « civiliser ».
Les personnages féminins, tous magnifiques, écartent d’emblée le soupçon polémique et offrent aux films ses plus belles scènes : une adolescente confrontée aux attouchements d’un père ; une femme au foyer (la géniale Angela Bettis) réduite à l’esclavage ; et The Woman, donc, la sauvage du titre, monstre cannibale et hypersexué qui va bouleverser cet enfer familial. Toutes ces micro-fictions, organisées autour de la figure paternelle, dessinent en marge du survival amoral (viols, tortures et humiliations en cascade) un beau mélodrame dont on aurait rêvé qu’il suffise à Lucky McKee.
Mais dix ans ont passé depuis May, et le cinéaste américain sait très bien les conditions d’existence d’un film dans le nouveau paysage du cinéma d’horreur : le gore. Il abandonne donc son film (et ses personnages) dans une dernière séquence, longue et éprouvante, où les femmes se libèrent littéralement de leurs chaînes et se lancent dans une vendetta sanglante contre les hommes. Rien de misogyne au final dans The Woman, mais plutôt ce vieux fond réac du rape and revenge (I Spit on Your Grave en référence absolue), où la seule solution à la violence des hommes, exposée pendant deux heures avec toute l’ambiguïté du genre, reste la violence des femmes.
Lucky McKee a réussi son coup : il rejoint la triste (mais très médiatique) cohorte des infréquentables de festival (A Serbian Film, The Human Centipede).
Romain Blondeau
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