Dans Prince of Texas, deux hommes, l’un psychorigide (Paul Rudd) et l’autre bon vivant (Emile Hirsch), balisent une route pendant l’été 88. Isolés, ils vont apprendre à s’aimer. Si cette bromance n’est pas autant imprégnée d’homo-érotisme que celle de My Own Private Idaho, le jeu d’Emile Hirsch est emprunt d’une douceur et d’une candeur qui évoque celle de feu River Phoenix.
“James Dean m’a appris à ne pas speeder, River Phoenix m’a appris à ne pas prendre de speed, et Marlon Brando m’a appris à ralentir sur les cheeseburgers”, a déclaré Emile Hirsch. Si l’acteur n’a visiblement pas pu résister à la junk food, compte tenu des kilos pris pour son rôle dans Prince Of Texas, il semble suivre à la lettre les enseignements qu’il a tirés des vies tragiques de Dean et Phoenix (enfant star et acteur prodige, mort à 23 ans d’une overdose devant l’ancien club de Johnny Depp à Los Angeles, le Viper Room). La minutie et le peu d’empressement avec lesquels il sélectionne ses rôles, ainsi que son absence des pages des tabloïds, démontrent sa volonté d’inscrire sa carrière (et son existence) dans la durée. Un simple coup d’œil à sa filmographie et à sa collaboration avec Gus Van Sant (un grand ami de Phoenix) pour Harvey Milk laissent à penser que River Phoenix n’a pas seulement eu un impact sur l’hygiène de vie de Hirsch. Retour sur sa carrière avec trois films qui rappellent étrangement ceux de River Phoenix.
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Girl Next Door (2004) / A Night In The Life Of Jimmy Reardon (1998)
Le teen movie est un passage obligé pour tout acteur qui débute. Certains l’ont moins bien supporté que d’autres: John Cusack refuse de parler de Better Off Dead et River Phoenix n’assumait pas son rôle de Don Juan en quête de rédemption dans A Night In The Life Of Jimmy Reardon. L’image de sex symbol adolescent lui était en effet insupportable: poser dans des magazines relevait pour lui de la prostitution. Emile Hirsch, quant à lui, ne paraît pas avoir été traumatisé par son expérience sur le plateau de Girl Next Door dans lequel il incarnait un adolescent dont la nouvelle voisine (Elisha Cuthbert) s’avère être une star du porno. Il est vrai que Girl Next Door est moins gnangnan que A Night In The Life Of Jimmy Reardon: il s’apparente plutôt à une sorte de Risky Business. Reste que le succès du film ne fit pas de Hirsch un nouveau Tom Cruise mais l’encouragea davantage à suivre les pas de son idole.
INTO THE WILD (2007) / THE MOSQUITO COAST (1986)
La reconnaissance critique et médiatique, Emile Hirsch l’a obtenue en 2007 grâce au film de Sean Penn Into The Wild. Basé sur une histoire vraie, Into The Wild raconte l’aventure de Christopher McCandles (Emile Hirsch), un étudiant qui abandonne toutes ses possessions matérielles pour aller vivre dans les espaces sauvages de l’Alaska. Ce personnage idéaliste n’est pas sans rappeler River Phoenix lui-même, puisqu’il était végétalien et très impliqué dans le combat écologique, mais aussi un de ses films, The Mosquito Coast. Adapté du roman éponyme de Paul Theroux, ce film mettait en scène Harrison Ford dans le rôle d’un père qui entraîne sa famille -y compris son fils joué par Phoenix- dans une jungle d’Amérique Centrale pour y vivre et échapper à la société de consommation. Ce thème semble plaire à Hirsch puisqu’il est retourné au contact de la nature pour Prince Of Texas.
KILLER JOE (2011) / I LOVE YOU TO DEATH (1990)
Chef-d’oeuvre absolu de William Friedkin, Killer Joe a été le meilleur film de l’année 2011. Aux côtés d’un Matthew McConaughey en grande forme et d’une Juno Temple fascinante, Emile Hirsch était tout bonnement incroyable dans le rôle du grand frère bon à rien et dépassé par son propre plan -“prêter” sa sœur au tueur à gage Joe en guise de paiement pour l’assassinat de leur mère. Glauque et hilarante à la fois, cette comédie dramatique d’un cynisme glaçant est une version plus radicale de I Love You To Death dans lequel River Phoenix jouait Devo, personnage lui aussi pas très fin d’esprit qui aide une femme à se débarrasser de son mari encombrant et increvable. Versatile, Hirsch a pu avec Prince Of Texas utiliser son talent comique dans une atmosphère moins noire que celle de Killer Joe, ses mimiques dans le film de David Gordon Green rappelant d’ailleurs davantage celles de Jack Black que de River Phoenix, qui avait moins de facilité dans ce registre. L’élève aurait-il dépassé le maître?
Linda Belhadj / almost-kael.com
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