La connasse attitude

Je ne sais pas pourquoi on réserve l’insulte “connard” aux seuls mecs, généralement quand ils se comportent mal avec nous. Fervente militante pour l’égalité des sexes, j’ai donc décidé qu’une fille pouvait, elle aussi, être une connasse, et je suis aussitôt passée à la pratique. J’ai couché et disparu. J’ai fait la morte pendant des jours. J’ai laissé des textos sans réponse. Une fois passé le plaisir coupable de la lâcheté, j’ai pourtant découvert un truc auquel je ne m’étais pas du tout préparée: les mecs ne savent pas gérer la connasse attitude. Comme si la recette “Je la baise et je la rappelle pas” n’était applicable que dans un sens.

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Les meufs ont généralement appris dans la douleur à faire face à la disparition post-coïtum. Je veux dire que, même si moi, je ne suis pas le meilleur exemple en terme d’acceptation de râteaux avec dignité, les filles normalement constituées savent décrypter un message tel que “Je ne peux pas m’engager en ce moment” et autre “C’est pas toi, c’est moi”. Quand on reçoit ça, on sait que c’est mort, et on évite de s’enfoncer. Apparemment, certains mecs ont des progrès à faire en la matière.

Je crois pouvoir dire que Fred est devenu en cinq minutes le pire coup de ma vie.

Prenons par exemple Fred. Fred était hyper séducteur (et hyper séduisant) quand je l’ai rencontré à cette soirée. Certes, je pensais encore grave à mon ex, mais j’avais envie de me lâcher et je n’avais rien contre un plan cul. Apparemment, Fred voulait faire les choses bien donc on a couché ensemble après avoir “daté”. Et ce qui s’annonçait comme une nuit de sexe sauvage s’est transformé en véritable fiasco. Je crois même pouvoir dire que Fred est devenu en cinq minutes le pire coup de ma vie. Une bonne raison donc, pour ne pas le rappeler.

En toute logique, j’ai décliné ses invitations suivantes en me réfugiant derrière un “It’s complicated” avec mon ex. Je trouvais ça plus classe que de lui lâcher: “Ça va pas être possible, t’es vraiment trop nul de la bite.” Eh bien Fred, il n’a pas du tout apprécié de se retrouver malgré lui dans un one shot. Quand on s’est recroisés, il m’a avoué ne pas comprendre qu’une fille puisse l’utiliser comme ça. Là encore, je n’ai pas voulu être méchante, mais j’aurais peut-être dû, car Fred, lui, ne s’est pas gêné pour me traiter de salope auprès de tous nos amis communs, qui, heureusement, se résumaient à quelques piliers de bar ayant assisté à la naissance de notre fulgurante idylle.

Je me serais bien passée des trois heures de platitudes échangées autour d’un filet de sole, obsédée que j’étais à l’idée d’avoir déniché le nouveau Rocco.

Entre-temps, j’avais rencontré Sam, un beau gosse ostensiblement porté sur YouPorn, qui, à défaut d’avoir inventé l’eau tiède, promettait de compenser les défaillances de Fred. En parfait gentleman, Sam m’a invitée à dîner avant de proposer un dernier verre chez lui. Offre que j’ai immédiatement acceptée car je me serais bien passée des trois heures de platitudes échangées autour d’un filet de sole, obsédée que j’étais à l’idée d’avoir déniché le nouveau Rocco. Je n’ai pas été déçue de ma nuit, mais au petit matin, Sam me faisait déjà l’effet d’un craquage dans une vente privée: une fois l’hystérie du moment passée, je n’avais plus envie de porter mes quatorze pièces immettables. Et pas du tout envie de revoir Sam.

Je me suis donc éclipsée à l’heure du premier métro, en lui susurrant un “À plus” qui voulait tout dire. J’ai bien vu qu’il était déçu que je ne reste pas prendre le petit déj’, mais il a pris sur lui et m’a répondu par un “C’était sympa” qui sentait à plein nez le mec faussement détaché. Je l’ai compris tout de suite, parce que normalement c’est moi qui dis ça. Et qui passe ensuite une semaine à checker mon téléphone toutes les cinq secondes, avant de renvoyer un texto faussement détaché pour “prendre des news”. Il faut croire que mon silence radio l’a déstabilisé car au lieu de m’ignorer superbement, il a préféré m’écrire,  une semaine pile poil après notre marathon du sexe. Cette fois, Sam laissait tomber le faux détachement et m’avouait qu’il avait ressenti un truc spécial pendant que nous partagions notre filet de sole. Une tirade que j’aurais tellement aimé recevoir de certains (qui n’ont jamais répondu à mes appels) mais qui m’a laissée de marbre dans ce cas précis. Et qui m’a obligée à dégainer le “Je n’ai pas la tête à l’amour en ce moment”, que je lui aurais bien épargné s’il ne m’avait poussée dans mes retranchements.

J’avais quand même envie d’être correcte dans ma médiocrité (erreur fatale, il faut être médiocre jusqu’au bout).

Mais j’ai gardé le meilleur pour la fin: Seb. Je l’ai rencontré juste après sur “Adopte”. Après notre premier rencard-on-fait-connaissance, est arrivé le deuxième on-s’embrasse-sur-le-pas-de-ma-porte. Seulement, il était très clair à cette étape-là que Seb ne me plaisait pas du tout. J’ai donc insisté lourdement pour rentrer  “me coucher” à 21h30, mais j’ai commis l’erreur de me laisser embrasser par politesse. Pour être sûre qu’il ne se fasse pas d’illusions, j’ai soigneusement évité toute réponse à ses appels et SMS les jours qui ont suivi, mais j’avais quand même envie d’être correcte dans ma médiocrité (erreur fatale, il faut être médiocre jusqu’au bout).

J’ai opté cette fois pour une variante du texto-râteau: j’ai tout mis sur le compte de ma vie professionnelle tellement stressante qu’elle m’empêchait de me lancer dans une quelconque relation. Quatre minutes plus tard, je recevais une missive sur mon téléphone me détaillant à quel point j’étais fantastique, originale et belle, et comme il serait stupide de laisser passer une fille comme moi. Après quinze lignes de ce panégyrique inattendu, j’ai dû m’asseoir en lisant cette phrase mythique, palme de l’incompréhension face à ma lâcheté: “Prends tout ton temps, où que tu ailles, je t’attendrai”. Il ne me restait plus qu’une solution: le dénoncer pour harcèlement auprès d’Adopte. Décidément les mecs ne comprennent rien à la connasse attitude.

Romy Idol