À la rentrée, la ministre du logement Cécile Duflot a présenté une loi (en cours d’examen au Parlement) qui devrait enfin poser des limites à la hausse des loyers dans la capitale. Une progression ininterrompue que les jeunes subissent de plein fouet, en tant que locataires mais surtout en tant qu’aspirants à la propriété. Car malgré cette mesure, le marché immobilier semble de plus en plus fermé aux moins de 35 ans, et la tendance ne devrait pas s’inverser. Cinq facteurs d’explication.
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Avec son salaire, le jeune peut s’acheter un 8 m²
À moins d’être une star, l’enfant d’une star ou d’avoir gagné au loto, une personne entre 18 et 34 ans gagne en moyenne 1380 € net trois ans après la fin de ses études, et 2280 € pour toute la tranche d’âge. Même en s’y mettant à deux, il faut donc attendre très longtemps avant d’économiser le montant de l’apport. “À Paris, le montant de l’apport moyen est de 198 000€, précise Maël Bernier, porte-parole du site Empruntis. C’est impossible d’économiser une telle somme, la seule solution est d’être déjà propriétaire ou d’être très aidé par sa famille.” Résultat, les moins de 35 ans optent massivement pour la location, surtout quand ils n’ont pas encore d’enfants. “Avec mon deux pièces au loyer très attractif, je ne suis pas du tout pressé d’acheter, confirme Mickaël, 33 ans. Comme je vis seul, je pourrais au mieux me payer un studio de 25 m², alors autant rester là où je suis!”
L’emprunt à la banque est incompatible avec le free-lance
On ne prête qu’aux riches, c’est bien connu. Et le trentenaire précaire n’est pas du tout séduisant pour les banques. “Dès qu’on sort du cadre du CDI, on renonce à acheter. En tant que créateur d’entreprise débutant, j’ai fait une croix sur le projet d’acheter un appartement, car je sais qu’avec mon statut, aucune banque ne me prêtera de l’argent tant que je ne gagnerai pas beaucoup d’argent”, poursuit Mickaël. Par ailleurs, le raccourcissement de la durée des crédits joue également contre les jeunes actifs, qui se voient réduits à emprunter de plus petites sommes, limitant un peu plus leur accès à la propriété. “La durée moyenne des crédits est de plus en plus courte, ajoute Maël Bernier, elle est passée en 2012 de 20 ans et 9 mois à 20 ans, ce qui pénalise encore un peu plus les primo-accédants.”
Acheter un appart, c’est un truc de parents
C’est souvent l’arrivée d’un enfant (voire de plusieurs) qui pousse les jeunes couples à l’achat. Avant cette étape décisive, pourquoi s’endetter sur trente ans? “Quand on est célibataire ou jeune couple, vivre à Paris, c’est super, analyse Maël Bernier. Professionnellement il y a plus d’opportunités, la vie sociale et culturelle est intense… On reste donc à Paris, mais en location car les prix du marché sont prohibitifs.” Un mode de vie qu’ont longtemps pratiqué Dorothée, 36 ans, et son compagnon, globe-trotteurs hédonistes ne voulant pas renoncer à leur train de vie. “On se disait qu’on n’était pas propriétaires mais qu’on était libres et qu’on profitait de nos salaires qui nous permettaient de voyager et de kiffer. Ça s’est compliqué quand on a eu un, puis deux, puis trois enfants.”
Être propriétaire c’est voir à long terme
“Quand on avait la vingtaine, on ne voulait pas d’un fil à la patte, continue Dorothée. Mais une fois qu’on est devenus une famille, c’était trop tard pour acheter à Paris, il aurait fallu avoir l’apport d’un premier appartement.” En effet, investir dans la pierre dès son plus jeune âge, c’est voir très loin et ce n’est pas forcément compatible avec les modes de vie à court terme engendrés par le CDD ou le recul de l’âge du mariage et du premier enfant dans la capitale. Mais pour Maël Bernier, cette vision court-termiste est en train d’évoluer: “Avant, c’était un réflexe de bourgeois de vouloir à tout prix acheter. Aujourd’hui, c’est une sorte d’assurance-retraite qu’on n’aura pas. On se dit que même s’il ne nous reste rien plus tard, il y aura toujours ce petit loyer. Or, compte tenu de la flambée des prix à Paris, l’investissement locatif se déplace dans les autres villes de France.”
Un jour, le jeune achètera… en province
Pour Dorothée, parisienne depuis toujours, c’est à Nantes que la solution est apparue: “On se demandait vraiment comment on allait s’en sortir, et mon mec a eu une opportunité de travail à Nantes. On a sauté sur l’occasion et on a déménagé en trois semaines.” Aujourd’hui, le couple est ravi de voir ses enfants grandir dans une maison de 140 m² et envisage même de sauter le pas de l’achat, jusqu’alors inenvisageable. “Le mètre carré coûte trois à quatre fois moins cher dans les grandes villes de province, précise Maël Bernier, et les progrès du TGV sont un argument de plus pour s’installer hors de la capitale et y travailler quand même, notamment en développant le télétravail. De toute façon, à terme, les jeunes n’auront pas le choix: s’ils veulent se constituer un capital immobilier, ils quitteront Paris.”
Myriam Levain
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