Quand un féminin en une, ça fait rêver. Et quand c’est LE magazine féminin (ELLE, pour ne pas le citer), qui le dit… Ça fait l’acheter. Ben, oui, pardon, mais l’enthousiasme naïf des néo-punks de la culotte que nous sommes s’enflamme rapidement, surtout par temps de pluie. Quitte à brûler, d’ailleurs, on embarque au passage un soutien-gorge et un briquet. Au cas où, on ne sait jamais. Bref.
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Las… Point de cocarde, ici, ni de sein triomphant sur les barricades, ni de boulets de canons pulvérisant les carcans qui entravent, contraignent, et étouffent nos sexualités. Ladite Révolution tient en quelques milligrammes de poudre: le Lybrido, ou “Viagra féminin”, aussi célèbre qu’une Arlésienne, aussi mythique que le Père Noël. Car en vérité, ladite Révolution n’aura pas lieu. Du moins pas tout de suite.
Un jour (prochain, ou lointain) nous pourrions déclencher notre désir comme on démarrerait une voiture.
Mais les scientifiques sont formels, assure le journal, cette fois, on est vraiment sur le point d’avoir le début d’une idée du moment où la molécule pourra envisager d’arriver sur le marché – à l’horizon 2016 à priori. Et là, oui, vraiment, ce sera la Révolution. Juré. Parce qu’enfin nous serons les égales des hommes, qui, eux, l’ont déjà (les salauds!!!) leur petite pilule bleue. Parce qu’enfin nous en aurons fini avec nos migraines du soir – à croire que le Viagra fera aussi office de Doliprane. Parce qu’enfin, et surtout, nous serons prêtes, tout le temps, pour tout.
Certes, l’idée d’avoir accès aux mêmes bonbons magiques que les hommes me fait extrêmement plaisir en théorie -qu’on se préoccupe de la libido des femmes est suffisamment rare pour être salué. Bien sûr, nous connaissons toutes des moments où nous aurions envie d’avoir envie -merci Johnny. Et on ne peut que se réjouir face à l’hypothèse qu’un jour (prochain, ou lointain) nous pourrions déclencher notre désir comme on démarrerait une voiture. Très sérieusement, très sincèrement, l’idée ne me déplaît pas. L’idée.
La libido fait parfois des montagnes russes, mais parce que c’est une matière vivante, fluctuante, mouvante.
Parce qu’en pratique, force est de constater que nous ne sommes pas des voitures. Que le désir n’est pas qu’une question de mécanique. Et que c’est mieux comme ça. Oui, la libido fait parfois des montagnes russes, mais parce que c’est une matière vivante, fluctuante, mouvante. Libre, donc. Pourra-t-elle le rester, avec ce Lybrido ou ses avatars? Pas si sûr. A priori toujours, les médecins ne devraient pouvoir le prescrire qu’aux femmes en réelle et grande souffrance, après diagnostic et avec suivi médical. Mais la tentation sera forte, pour toutes les autres, pour leur partenaire… Et pour les médecins, trop contents sans doute de pouvoir régler la question en une ordonnance, et une seule, sans avoir à se préoccuper du pourquoi du comment de l’absence de désir.
A une époque où le sexe est devenu, lui aussi, une question de performance, l’arrivée d’un nouveau “booster” de libido devrait, si ce n’est faire frémir, du moins, poser question. Parce qu’on peut avoir, aussi, le droit de ne pas avoir envie.
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