Puisque Karl Lagerfeld inspire le monde de la mode, nous avons décidé de soumettre nos créatrices favorites à ses mantras. Profonds, futiles, dingues ou drôles, les propos du Kaiser ne laissent personne indifférent. Cette semaine, Carolina Ritzler, cofondatrice de la marque Carolinaritz et sélectionnée par Keren Ann, répond à l’interview “Karl vous parle”.
Quand on rencontre Carolina Ritzler, il vaut mieux s’assurer d’avoir un peu de temps devant soi. Une interview supposée durer une demi-heure devient vite un rendez-vous de deux heures si on se laisse prendre par sa folle énergie communicative et son exaltation joyeuse. Bon point pour cette femme de 38 ans: il est impossible de s’ennuyer avec elle. Carolina Ritzler ne tient pas en place et quand elle explique quelque chose, elle est même capable de se lever pour mimer la situation qu’elle évoque. Carolina Ritzler, c’est le spectacle vivant. En août 2014, elle a lancé sa marque Carolinaritz -il se pourrait que cette dernière se transforme en Carolinaritzler car Le Ritz Paris n’apprécie que moyennement cette proximité de nom-, avec comme pièce-phare dans ses collections, la combinaison déclinée par époque et intitulée la 60′, la 90′ ou encore la 70′.
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Si Carolina Ritzler était probablement prédestinée à cette aventure, elle n’a pas pour autant emprunté le chemin le plus direct. Née dans la région de Nantes d’un père espagnol et d’une mère polonaise, elle fréquente dès l’âge de 11 ans un internat de bonnes sœurs avant de se rendre compte qu’elle a “un problème avec l’autorité” et de poursuivre sa scolarité dans un lycée classique. Ensuite, la jeune femme se “cherche”: “J’ai fait une fac d’histoire de l’art, un BTS immobilier et le conservatoire de musique en art lyrique!” Si elle avait pu choisir, elle aurait intégré “une école comme dans Fame”. À l’époque, elle veut faire du théâtre, de la danse: “J’avais un besoin d’expression artistique.”
Carolinaritz, printemps-été 2016
À 22 ans, elle rencontre celui qui va devenir son mari quatre ans plus tard. Ils déménagent rapidement à Paris et Carolina Ritzler, après avoir vivoté de boulot en boulot -“J’ai un peu bossé comme agent immobilier, je me suis occupée d’une expo photo”-, décroche un travail de commerciale chez Vivendi. Puis le couple part s’installer à Toulouse. “J’ai trouvé un autre job de commerciale chez IKKS, je devais vendre leurs collections de chaussures dans la moitié sud de la France, se souvient-elle aujourd’hui, je me suis prise au jeu, je suis assez guerrière dans mon tempérament, donc je me faisais des journées de caisse pour vendre des pompes et j’ai fini par ouvrir 120 points de vente pour la marque!” En 2008, la famille -Carolina Ritzler a trois enfants- quitte la campagne toulousaine pour revenir en région parisienne. La trentenaire est alors embauchée chez Petit Bateau. Elle s’y plaît mais continue de “refouler” son côté artistique. En attendant, Carolina Ritzler se met à chanter dans un groupe de funk: “C’était ma bouffée d’oxygène!”
“Une meuf qui arrive en soirée en combi, elle envoie du lourd!”
À cette époque, l’envie de créer des combinaisons est déjà là. “C’est le plus vieux vêtement du monde et, en même temps, le plus moderne, assure-t-elle, la combi est un déguisement, elle raconte une histoire.” Elle aime les “1001 vies” qu’elle perçoit dans ce vêtement et aussi “son côté guerrier”. Et puis elle assène cette vérité qui en ferait tiquer plus d’un-e: “La combi va à tout le monde.” Avant d’argumenter: “Il suffit de trouver celle qui va le mieux à sa morphologie.” Pour elle, ça ne fait pas un pli: “Une meuf qui arrive en soirée en combi (Ndlr: elle la mime), elle envoie du lourd car elle renvoie une image de sensualité et de liberté.” Dans ses modèles, Carolina Ritzler tient à marquer la taille des femmes: “Je suis attristée quand je vois les femmes dans la rue, on ne voit pratiquement plus leurs formes; avec des tailles hautes, on structure la silhouette, on redessine tout le corps.”
Carolinaritz, printemps-été 2016
En mai 2014, Carolina Ritzler quitte Petit Bateau et un mois plus tard, elle fabrique ses premiers modèles de combinaisons. En août de la même année, elle fonde son entreprise et dans les six mois qui suivent, elle vend ses premières pièces. La créatrice décide de fabriquer en France -“Je peux ainsi suivre la production et ça permet une rapidité d’exécution”- et diversifie rapidement ses collections. Aux combinaisons vendues entre 500 et 650 euros s’ajoutent des costumes, des trenchs, des robes, des salopettes, etc. Avec sa quarantaine de points de vente dans le monde -dont 11 en France-, Carolina Ritzler a pour ambition d’ouvrir prochainement sa propre boutique. Nous l’avons soumise aux mantras du Kaiser.
“Je hais les montres, c’est la raison pour laquelle je suis toujours en retard.”
Je suis complètement d’accord! Perso, je suis toujours en retard car j’ai beaucoup trop de choses à faire dans une journée! Toutes les montres que j’ai eues, j’ai fini par les dérégler, je crois que c’est un signe… Avec trois enfants et une boîte à gérer, ce n’est pas possible d’être à l’heure. Et puis, j’adore profiter du moment, je n’ai jamais envie que les moments s’arrêtent, j’ai un problème avec les fins! Je suis désolée pour ceux qui m’attendent…
“Je trouve les tatouages horribles. C’est comme vivre dans une robe Pucci 24 heures sur 24.”
Je ne suis pas une fan de tatouages et d’ailleurs, je ne suis pas tatouée. J’adore l’idée de porter un vêtement avec un imprimé mais j’aime l’idée de pouvoir l’enlever si j’en ai marre.
“Pensez rose, ne le portez pas!”
Je suis comme Karl, je ne suis pas une dingue de rose. Je trouve que ça dessert le teint ou bien il faut que le rose soit poudré.
“Les pantalons de jogging sont un signe de défaite. Vous avez perdu le contrôle de votre vie, donc vous sortez en jogging.”
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette idée: tout dépend si le jogging est bien structuré.Pour qu’il devienne ultra élégant, il faut le twister. Personnellement, j’utiliserais le jogging comme un smoking, je rajouterais des bords-côtes en satin smocké par exemple.
Carolinaritz, printemps-été 2016
“Si je pouvais être réincarné en un accessoire de mode, ce serait un shopping bag.”
Si je pouvais être réincarnée en un accessoire de mode, je serais une combinaison sans hésiter! Ou bien un chapeau pour voir tout ce qui se passe du dessus!
“Si tu pisses partout, t’es pas Chanel du tout!”
On peut voir le côté symbolique de cette phrase: il ne faut pas vouloir être partout mais faire des choix, prendre parti.
“Il faut porter une fourrure comme un vulgaire tricot.”
Complètement d’accord. La fourrure irait d’ailleurs parfaitement avec le jogging. Quand je mets une fourrure, je la porte toujours avec des baskets et des grosses guêtres pour la décaler. Ce vêtement est tellement élégant qu’il faut une rupture.
“Le vêtement ne doit pas t’aller, c’est toi qui dois aller au vêtement.”
Le vêtement doit sublimer la femme, on ne doit pas voir le vêtement mais la femme. Quand la robe est belle, on voit la femme et quand elle est moche, on ne voit que la robe. La combinaison, contrairement aux idées reçues, va à tout le monde, ça dépend simplement de sa coupe et de sa matière.
Carolinaritz, printemps-été 2016
“Je suis une sorte de nymphomane de la mode qui n’atteint jamais l’orgasme.”
Hum… C’est intéressant. Je comparerais l’arrivée d’une pièce que l’on a dessinée à un frisson si on la trouve conforme à l’idée qu’on s’en faisait. Après, c’est vrai qu’on peut toujours s’améliorer mais dans l’ensemble, je suis quelqu’un de très optimiste, positif.
“Si vous me demandiez ce que j’aurais préféré inventer dans la mode, je vous répondrais la chemise blanche. Pour moi, une chemise, c’est la base de tout. Tout le reste passe après.”
Je pense qu’une combinaison -encore faut-il qu’elle soit parfaite- est une pièce tellement forte qu’on n’a besoin de rien d’autre.
“On n’est jamais trop habillé, ni pas assez habillé avec une petite robe noire.”
Perso, j’ai une robe noire magnifique mais toutes les robes noires ne sont pas parfaites. Il faudrait que je l’aie dessinée. Je l’ai fait d’ailleurs: la robe Mireille Darc est une réplique de celle portée par l’actrice dans Le Grand blond avec une chaussure noire.
Propos recueillis par Julia Tissier
Le choix de Keren Ann: “La démarche de Carolina Ritzler est super et toute sa vision est très cool. J’adore les combis, encore plus quand elles sont portées par des femmes. Le confort ajoute au charme de cet habit, dont j’aime beaucoup le côté ‘vêtement de travail’. J’aimerais bien rencontrer Carolina Ritzler, ça peut être inspirant pour des tenues de scène!” (Retrouvez Keren Ann en rédactrice en chef de Cheek toute la semaine du 15 au 19 février).
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